Septième Mouvement.

 

L’autre participation.

 

 

Le vieillard suit le rythme de son fils d’avant et il reprend le Livre pendant le repas de midi.

Hiro ne comprend pas bien car toujours le Maître n’a pas lié deux activités en même temps. Mais il le sert.

Et le Maître lit, l’ouvrage à côté de son bol; il fait très attention à ne pas y mettre une tache de sa soupe de légumes.

 

 

Le Voyage dans la Mort.

 

La visite au centre de Katmandou m’a redonné un peu de joie au ventre. Les Népalais sont vraiment gentils de cœur, même s’ils sont de grands voleurs!... Mais il faut bien survivre... alors disons de « grands commerçants ».

 

D’ailleurs il y a une histoire humoristique de chez eux.

Vous savez que les Indiens sont durailles en affaire et il faut marchander plus que beaucoup pour obtenir un prix équitable pour les deux parties.

Mais au Népal on s’enorgueillit qu’il faut trois Indiens pour contrôler un Népalais!

Mais les Tibétains ont le pompon car il faut trois Népalais pour en contrôler un Tibétain!

 

Aussi c’est la foire d’empoigne à toutes les respirations... Mais pardon!... Avec le sourire!

Et question tradition sensuelle et sexuelle, ils ont une culture d’une grandeur infinie.

Lorsqu’elle est mariée, la fidélité à l’épouse est d’une rigueur totale.

Cette rigueur est facile car tant qu’elle est jeune fille, elle peut faire toutes les expériences qu’elle souhaite, et cela dans la liberté la plus totale et le soutien de tous.

En surplus, elle fait le choix de l’époux.

 

Aussi le nom même de prostitution n’existait pas au Népal... Il y avait suffisamment de liberté culturelle pour ne pas entretenir un cheptel de ces femmes qui vendent les plaisirs produits par leur corps.

 

Mais il y avait aussi une grande liberté dans l’utilisation du haschich, que l’on fume sans problème et en toute liberté.

C’est cette liberté au shit qui a attiré les Occidentaux en mal de drogue et sensations en tout genre.

Et ce fut le départ d’une décadence, car ces Occidentaux, le plus souvent désargentés, commencèrent à utiliser leur corps pour faire du fric. Les françaises furent les inauguratrices du système et la prostitution commença. Une prostitution curieuse puisqu’elle allait dans le sens inverse de l’attitude normale: ce sont des Népalais qui utilisaient les Françaises!

Puis les autres pays ont suivi le mouvement et la grandeur de l’Art de l’Amour fut perdue partiellement pour ce pays...

Et comme en plus, faire pousser du pavot s’est avéré plus rentable que de se casser les reins à l’agriculture traditionnelle, et qu’il fallait alimenter en shit ces occidentaux en mal de rupture avec le temps, leur culture et même leur corps, sans parler de leur esprit... des pans entiers de la culture traditionnelle se sont écroulés.

 

Et ainsi va l’évolution du Monde... C’est destruction et création permanente comme ils le disent ici... Mais ils sont tout de même un tantinet inquiets sur la Création à venir qui ne leur semble pas entrer dans le monde de la douceur qu’ils aiment tant.

 

Aussi, j’ai senti les pulsions qui ont conduit ce Peuple, cette Civilisation à conduire la Femme de cette manière dans l’Art de l’Amour. Il y a une plénitude dans ce jeu, qui ferait frémir les Bien Pensants, qui se retraduit par les pierres qui imprègnent les esprits.

Tant que cela restera vivant par l’intérêt qu’on lui porte, sa radiation continuera et la douceur pourra peut-être encore trouver sa place dans leur avenir.

 

Donc, c’est pour vous dire en direct que c’est en forme que, après la sieste, j’arrive à la carrée du Rimpo.

Il a aussi récupéré du tonus et il me sourit avec la tendresse de ses yeux doux.

Il est déjà allongé sur le lit.

Je lui place les mains sur le coffre et j’injecte. Il connaît la procédure et ne perd plus de temps.

 

    - Ok... Je suis avec Gourou Rimpoché... Vrai ou copie ? je ne sais pas, mais je suis bien avec lui et c’est rempli de lumière.

    - C’est un « vrai » je confirme... Ce n’est pas une copie.

   - Tu es surprenant... Avec toi on ne sait jamais où est le support... Après tout ce que tu m’as sorti ce matin, tu me dis maintenant que c’est un « vrai ».

    - Je te dis que c’est un « vrai »... mais je ne te dis pas de « quoi » dis-je.

 

Il ouvre un instant les yeux et me lance un regard surprenant. Comme s’il savait déjà et il attendait une confirmation de moi.

    - Qu’est-ce-que je Lui demande ?

 

Je laisse venir mes mots et je suis le premier surpris de ce que j’entends.

    - Qu’est-ce qu’il t’a déjà permis de voir et comprendre ?

 

Il laisse le temps venir avec ses mots à lui. Ma question le surprend.

    - Tu sais les nuits sont enrichissantes après les rencontres avec toi... Je peux toucher des compréhensions et recevoir des enseignements de Gourou Rimpoché... que j’aurais bien aimé recevoir avant!... histoire de savoir mieux diriger ma vie, dit-il avec ses mots lents.

   - Ne tourne pas autour du pot, je fais... Qu’est-ce qu’il t’a montré et que nous ne perdions pas notre temps à reprendre cela ?

 

Il revint en lui et se concentra.

    - Il m’a montré le fonctionnement de base de cet Univers...

... En premier lieu, la Source qui est une réserve d’énergie énorme. Tout est contenu en elle... Mais tout est en potentialité. Pas d’action. Pas de création en soi.

 

... En second lieu, le Souffle de cette Source qui extrude d’Elle une part d’Elle... qui La contient toute mais qui a une particularité: le mouvement est la graine principale de cette particule... comme si tout le reste allait être subordonné à cette potentialité.

 

... En troisième, la confirmation que c’est le Mouvement qui est le centre de cette graine et c’est lui qui va donner toutes les impulses et c’est le début de la Création.

 

... J’ai reconnu dans cette nouvelle Dimension du Mouvement toutes les sensations que l’on touche lorsque nous faisons des pratiques très avancées dans notre Tradition.

 

... J’y ai senti l’Amour en tant que matière et pas seulement en tant que sensation ou émotionnel ou sentiment... Quel que soit le nom, c’est une Matière, c’est une Force de Vie!... Quel bonheur de rencontrer et toucher cette Matière!... C’est l’aboutissement de tous les efforts de notre Tradition... De se perdre en Elle... De se diluer en Elle... De devenir Elle, dans toutes les actions de notre vie.

 

Il reprend son Souffle.

 

    - J’ai ensuite compris comment cette Matière fonctionne. Elle crée « Tout », les humains compris et ensuite tout se passe en triangulation. Tout part d’Elle et tout repart à Elle... L’égoïsme n’existe pas... La prétention personnelle n’existe pas... Le destin personnel n’existe pas... Il y a action pour le Tout qui redonne à chacun en fonction de ses besoins.

 

C’est comme la Mère à table, qui donne à chacun selon ses besoins, car elle a une connaissance interne de chacun et personne n’a à réclamer plus et personne n’est jaloux des autres, car personne ne regarde les autres en direct. Tout passe en triangulation et chacun regarde et agit pour le « Tout ».

 

Le souffle lui manque et il fait une longue pause.

    - Ensuite Gourou Rimpoché m’a fait descendre le Temps et je suis arrivé à une période où il y a un développement d’une graine interne dans l’humain qui lui donnerait la possibilité de créer son jeu personnel et de se soustraire à cette triangulation.

 

... C’est un espace grisâtre, avec un conflit interne, car il y a ceux qui veulent rester en triangulation et ceux qui veulent s’y soustraire en montrant qu’ils ont les possibilités de créer leur monde à eux et établir d’autres Règles et que cela est l’évolution normale de l’Homme qui doit se libérer de la Mère et du Père pour remplir pleinement sa mission et utiliser toutes les possibilités d’action qui sont en lui.

Un espace et un Temps pas très beau et plein de conflits!

 

Il reprend encore sa respiration.

 

   - Puis, Il m’a encore fait redescendre le Temps et je suis arrivé au troisième stade d’évolution de cet Espace qu’est l’état actuel de l’humanité.

C’est un stade où le conflit « transcendantal » n’existe plus car l’ont emporté ceux qui prônaient la « séparation, comme action libératoire ».

... Il n’y a plus de conflit avec les Règles Originelles, car tous sont maintenant concernés à créer un monde personnel et à établir des Règles qui sont à eux et qu’ils discutent ensemble.

... Pour les humains, dans cet espace, il n’y a plus de triangulation, mais un rapport d’individu à individu.

... Cela produit des déchirements, des guerres... Mais dans l’ensemble, l’humain arrive à organiser cela en créant des systèmes de comportement de plus en plus sophistiqués.

 

Il prend encore son temps.

 

    - Il m’a aussi fait voir que c’est à ce stade-là dans lequel l’humain continue à être, que furent créées les « Religions » comme organisations aux pulsions, les plus basses comme les plus hautes.

 

... Les plus basses sont sexuelles... Car dans le premier état du Mouvement, la triangulation, il y a avait un état androgyne de l’humain... Mais au moment de la décision de la Séparation avec la Mère et le Père, il a fallu mettre en place d’autres moyens de s’auto-créer et il y a eu alors la séparation des sexes comme modification biologique naturelle... Car le corps suit en évolution la Force de Décision de l’Espace.

Alors on lui organise une « attitude ».

 

... Les plus hautes: chez l’humain séparé, il reste dans sa mémoire l’état originel de l’espace du Mouvement et il voudrait retourner à la triangulation, l’état aussi d’androgyne...

Alors on lui organise un « parcours » qui fut nommé « religion »... Ce qui relie!

 

Le temps revient encore et les minutes s’ajoutent.

 

Puis il dit avec des mots qui ont du mal à sortir:

    - Il m’a ainsi montré que toutes les Religions sont des Créations humaines dans cet espace de séparation afin de l’organiser selon les références d’évidences de chaque contrée... car les Terres agissent sur les Hommes et les construisent!

 

Il n’est pas trop mal, son Gourou Rimpoché! 

Il ne lui montre rien d’essentiel qui pourrait révolutionner sa logique, mais ce déroulement de l’évolution de l’espace du Mouvement est utile et va me faire gagner du temps.

Et puis, son Gourou lui a permis de constater que le « Mouvement » est un « espace » et cela est important. Car tout espace est soumis à une transformation continuelle et sous cette compréhension on peut arriver à saisir vraiment ce qui s’est passé, et ce qui se passe pour l’humain.

 

Puis il reprend, mais cette fois il a du mal à sortir les mots.

    - Il m’a montré aussi que dans l’espace originel du Mouvement, il n’y avait « Rien »!

    - C’est-à-dire ? je fais car je connais l’épine qu’il a dans le gosier.

   - Rien!... Il n’existait pas les « Déités » d’aide et de protection que nous connaissons dans notre Tradition... et dans toutes les autres... Car il m’a montré les Formes Générales de la Création et pas seulement celles qui touchent ma Tradition... Son Enseignement fut Cosmique!

 

Il a la mine un peu flétrie, le vieux!... les infos ne sont pas de son goût!... Mais il a du courage et met en mots ce qu’il voit et comprend sans chercher à organiser un masque...

Un grand!

 

    - Alors, je fais... car on va commencer à toucher des infos percutantes.

   - Alors ?... Les Forces et Puissances d’aide et de soutien que nous adorons et soutenons, ne sont que des « réactions » de la Matière originelle du Mouvement lorsque le mouvement personnel de l’humain entre en contradiction avec Elle.

    - Avec « Elle » ?

    - Oui... Avec la Matière Originelle qui a un Ordre et une Intelligence... C’est comme des enfants qui continuent à être reliés aux parents et qui produisent dans le corps des parents des effets qui sont la conséquence de leurs actions. Et lorsque ces actions sont contraires au mouvement des parents, il y a alors à l’intérieur de ces corps de parents la création d’un antidote pour contrôler et guérir le poison.

... Voilà ce que j’ai vu...

... Voilà ce que j’ai senti dans mon corps...

... Voilà la Connaissance que Gourou Rimpoché m’a permis de saisir dans toute la Bonté de son Être que j’ai toujours senti comme soutien.

 

Il pleure.

Mais c’est un brave et il continue après quelques respirations laborieuses.

    - J’ai donc compris pourquoi il me disait avant hier que « ces Forces n’ont pas une origine en soi! ».

... Elles sont formées en contrepoison développé par l’humain qui se sépare trop du mouvement normal de la Création... car c’est dans son corps qu’il agit et cette Matière souffre...

... Je comprends aussi la souffrance que j’ai tant perçue lorsque j’étais en contact avec ces Forces de vie et de soutien de la Création.

Ce sont ses défenseurs!

... Elles soutiennent et aident la Création dans son action à continuer d’exister sur la Terre des Hommes selon ses Règles originelles... et ne suivent pas les nouvelles règles des humains lorsque ces dernières deviennent trop contraires au mouvement normal de l’Univers.

... Cela a réactualisé aussi les autres enseignements que j’ai reçus avec toi sur la « fausse compassion »!

 

Mais c’est un Tibétain, donc un mec pratique et organisé.

    - La compréhension que ces Puissances, que nous adorons et soutenons, ne sont pas des Forces en soi, mais des réactions de la matière originelle de la Création du Mouvement, fut un choc...

... Car cela veut dire, si je prends l’exemple de Tara, que Tara n’existe que parce qu’il y a le développement de la non compassion dans le Monde Humain... Et que si un jour la compassion revient dans ce monde de l’Homme, Tara disparaîtra instantanément... Donc nous sommes dans un Monde d’impermanence totale!

... Mais en même temps, ces Puissances sont des réactions de la Matière Originelle du Mouvement et que les utiliser en un système cohérent et logique, que certains peuvent appeler une « Religion », fait échapper ce système à une simple création de l’humain 

... Nous serons donc dans une formule « intermédiaire »: la création d’un système cohérent que nous appelons « religion » sous l’impulsion des Forces de Défense de la Création!

 

Il a besoin d’un peu de temps que je lui laisse. Sa respiration siffle et ses côtes lui font mal comme un soufflet malmené.

 

    - Alors cela m’a rassuré car pour l’instant, au stade de mes compréhensions, je puis dire que Notre Tradition n’est pas une création artificielle de l’Homme afin de le réguler et l’exploiter.

 

Il respire mieux. Son épine dans le gosier est en train de se diluer.

 

- Et je fus heureux de cette découverte!... Mon cœur sauta de joie et si j’étais jeune, si je pouvais revenir encore à mon état de jeunesse, je me lancerais encore plus profondément et avec un enthousiasme sans limite dans l’aide à ses Puissances qui sont les seules à pouvoir contrôler les pulsions perverses qui cherchent toujours un peu plus à prendre le pouvoir... Je serais passionné... PASSIONNÉ!!!!...

 

Ses mots enflèrent dans l’air et la porte s’ouvrit avec la bouille de deux moines interrogateurs.

Alors il ajouta des mots qui me firent frémir:

    - J’aimerais mourir maintenant dans ce bonheur.

Té!... Son Gourou est très fort!

Il ne va pas être facile de le faire passer au-delà!

Le vieux est bien accroché.

 

Alors je pose la question.

    - Que sens-tu en toi depuis que j’ai mes mains sur toi ?

    - Une énorme chaleur et un plaisir immense à vivre, il dit.

    - Et ensuite ?

    - Gourou Rimpoché est avec moi et sourit.

    - Et encore ?

    - Tout est bien.

 

Alors je le laisse et me lève. Il va falloir que je bouscule cette nuit quelques-unes de ses « Déités » qui le tiennent bien encore au plancher des vaches!

    - Demain, nous verrons plus clair... Ta journée fut intense.

    - Après le petit déjeuner ? demande-t-il, toujours pratique.

J’acquiesce.

 

Je suis soucieux dans les couloirs. J’ai besoin de marcher et je dirige mes pas vers la Stûpa.

 

«On » lui fournit des infos suffisamment intéressantes et substantielles afin de cacher l’état de réalité de l’humain « maintenant »...

« On » le promène dans le passé!...

« On » lui donne des petits su-sucres!

« On » réactive un enthousiasme!

 

Mais il n’a aucune conscience de ce qui est « On »!

Alors il va falloir attendre.

 

Je fais le tour de la Stûpa et vais boire un glass sur la terrasse supérieure de « Direct View ».

Je ne réponds pas aux occidentaux qui m’ont vu avec le Holiness et qui recherchent des renseignements sur cette rencontre si curieuse et exceptionnelle entre un jeune Blanc et une telle sommité au niveau le plus haut des Nyingmapa.

J’ai laissé aussi les mains tendues des Tibétains qui voulaient que je les bénisse.

J’ai tourné les moulins à prières comme les autres.

Je les ai regardés dans leurs prosternations.

Mon cerveau était vide. Je respirais seulement la vie autour.

 

C’est lorsque je reviens à pince au monastère, que je comprends comment pratiquer pour rompre ce mur du silence et du contentement: je vais foutre le bordel!

Ce qui est d’ailleurs un de mes réflexes coutumiers, vous en conviendrez.

 

Alors je me dirige vers le Temple du Monastère.

Les moines sont dans la pièce centrale, sur deux rangs, en alignement devant la Statue centrale de Gourou Rimpoché.

Ils sont en pratique.

 

Je rafle au passage une cloche, un Dorje et un Purba.

Avec moi, l’espace, l’indestructibilité et le poignard rituel, je vais dépoter!... et si je dois pratiquer plus longtemps, après leur départ, je prends aussi un damaru de Lama.

Avec mon attirail de parfait combattant Tibétain, je m’installe à l’angle du fond, bien tranquille.

Les moines me regardent curieux. Mais je leur fais signe de ne pas faire attention à moi. Je prends la position du méditant et cela leur suffit.

Ils continuent leur Puja.

C’est une pratique de Tara verte, la Compassion en action... Cela me convient fort bien!

Alors je concentre mes forces en moi, je mets mes protections autour, et je vais bravement au combat.

 

D’abord je chope Tara entre deux respirations.

    - Hé!... Ma Belle!... Pas si vite!... Dis, tu n’en as pas fini avec tes mensonges ? je fais en rigolant.

    - Que veux-tu dire ? toi l’humain! fait-elle du haut de son courroux.

    - Té!... Je croyais que tu étais là pour les aider, les humains... Pas pour les mépriser!

    - C’est toi qui me tiens de haut!... Et je ne suis pas femme à me laisser marcher dessus, lance-t-elle de son siège de lotus.

    - Té!... T’es en dessous des mots, la coquine!... Te marcher sur les pieds ?... Mais dis donc, tu as déjà oublié que tu t’es fait retapisser par tous les bataillons du Treillis ?... Leur serpillière, tu es!

 

Là, je viens de toucher un point sensible et elle est en train de comprendre que je suis un mec un peu, et même beaucoup, informé des turpitudes des alcôves de Bam...

 

    - Que veux-tu dire ? elle fait agressive.

    - Que tu es une drôle de dégueulasse de continuer à faire croire que tu es là pour aider les hommes alors que leur destin est le dernier de tes soucis!

    - Ah oui ?... Et quel serait donc mon souci principal, des fois que tu le connaîtrais ?

    - Mais servir ta Mère, qui est en même temps « toi »... et donc tu sers « toi », je fais en rigolant ferme au point qu’elle perd cette jolie frimousse qui fait dire à certains un peu bigleux qu’elle est belle et rayonnante comme cent lunes d’automne.

 

Je viens encore de placer une flèche dans le centre de cible du Bam et les lunes d’automnes sont en train de blanchir. Elle se demande jusqu’où est informé ce poids plume qu’elle a devant elle et qui vient de perturber ses pas de danse qu’elle faisait pour les moines qui l’encourageaient de leurs chants, de leurs clochettes et de leurs cymbales en lui disant comment elle est belle pour encore plus la faire tourner afin que sa jupe se soulève encore plus et qu’ils puissent admirer ses fesses qui, je dois reconnaître sont fort appétissantes.

D’ailleurs chez Tara, tout est appétissant... Ses miches du haut, celles du bas et tout le bazar qui fait que lorsqu’elle se propose en repas, tout le monde accourt et tout le monde il est content.

 

Mais il y a un mec pas très content en face d’elle et ce mecton à peine plus gros qu’une plume a assez de Pouvoir pour perturber sa danse et les moines maintenant ne savent plus où ils en sont de la Puja car les sons sonnent dans le vide, les trompettes bouchent et les clochettes n’arrivent plus à bouger leur gland.

Alors le Lama en tête, ils sont en train de se demander ce qui se passe et se tournent vers leur Gourou Rimpoché qui reste impassible avec son sourire crispé et ne leur souffle pas une indic car il sent que bientôt cela va être son tour que je m’occupe de lui et pour l’instant il préfère se tenir à carreaux comme le mec qui regarde les mouches au plafond et qui dit: « Je suis passé, mais vous ne m’avez pas vu! ».

 

Donc la Tara est sur un pied en équilibre et ne sait pas où poser l’autre car le mecton en face d’elle serait bien capable de le lui chouraver et de l’envoyer comme bouffe aux dogs dans la cour.

 

    - Qui es-tu ? finit-elle par dire après avoir tourné dix fois la langue dans sa bouche et appelé au secours sa maman.

    - Le mec qui vient te couper la chique car tu balances trop de mensonges... et en plus tu n’es plus bonne à rien.

 

Que je dise qu’elle balance des mensonges, cela elle pourrait l’accepter et le reconnaître, car c’est la vérité. Mais comme toute vérité est relative, elle me dira finement: « mensonges pour qui ?... C’est la vie, mon chéri! ».

 

Mais que je lui balance qu’elle n’est plus bonne à rien, alors elle ne peut pas accepter et monte tout de suite au créneau. On a son honneur!

 

    - Dis, petit con... Tu veux un combat ? elle fait du haut de son courroux.

    - Je suis là pour ça, ma Belle!... Ouvre le bal et je te fourgue la musique...

 

Elle fait des petits sauts en arrière sur une jambe pour prendre de la distance et s’éloigner de moi car elle commence à sentir le roussi de ma colère. Alors les moines la voyant se faire la Belle, se précipitent et ferment les portes du Temple. Manquerait plus que Tara se tire!... Mais ils lui ont préparé les petits gâteaux, les parfums, l’huile, le riz, l’encens... enfin tout l’attirail pour pousser la Déité à rester avec eux et se mettre à table.

Vous connaissez les méthodes tibétaines avec les Forces Majeures de l’Univers. Ils les invitent à bouffer; ils leur préparent un siège; ils leur disent comment ils sont beaux, ils sont forts, ils sont puissants... Et l’autre ravi bouffe ce qu’on lui a préparé. Et les moines l’encouragent des "Olé" comme à la corrida pour la pousser à aller proche du taureau...

Et enfin lorsque le gonze ou la gonzesse a bien bouffé, ils la choppent au passage et ils lui disent: « maintenant que tu as pris ce qu’on t’a donné, tu dois faire quelque chose pour nous! ».

Alors c’est le début des litanies et des jérémiades afin d’obtenir de la Déité les fruits qu’on veut d’elle, puisqu’elle est dans une position d’obligation.

 

Donc en clair: « T’as bouffé, maintenant paye! ».

Ils sont très pratiques les Tibétains...

 

Mais voilà, c’est que maintenant la Tara et les autres, ils font des chèques en bois. Ils n’ont plus rien pour payer car ils ont laissé un autre acteur du jeu prendre possession de tout l’espace et que maintenant la place pour danser devient bien réduite. Et ils oublient de dire qu’ils sont des invités qui sont devenus sans pouvoir et c’est l’escroquerie du siècle.

 

Et c’est cette escroquerie que je balance à la Tara qui ne sait plus très bien où se mettre et qui aimerait bien que je ferme ma grande gueule et que je cesse de foutre mon bordel dans ce jeu si bien rodé.

 

Mais ce qui me désespère, ce sont tous ces mecs qui continuent à leur servir le repas alors qu’ils sont payés par des clopinettes!

Manger à crédit m’a toujours débecté!

 

    - Mais oui!... Je lui fais... Tu ne leur as jamais dit que tu ne fus conçue que pour aider ta Mère, et que des humains tu t’en fous comme de ta première nuisette!

    - Que veux-tu dire ? elle demande inquiète de l’ampleur de ma connaissance.

    - Et oui... Tu es une formation en réaction à une déconnante d’un des enfants de ta Mère, afin de limiter la casse pour Elle... Mais les humains, c’est de la denrée pour chien, pour toi et toutes tes copines et copains... Tout juste bon à produire de l’énergie pour ta Maman, les humains, n’est-ce-pas ?... petite menteuse et voleuse, je fais avec toute la tendresse du monde dans mes yeux au point que la Dame elle voudrait bien trouver une porte de sortie vite fait car il commence à carburer vilain dans le Temple avec les bougies et offrandes qui éclatent de tous les côtés pour saluer les efforts à faire sortir la Vérité du mensonge.

    - Mais, c’est la règle du jeu! elle fait.

    - Tu peux parfaire ta jolie petite voix de fille troussée par le Diable tous les jours et qui dit encore merci qu’il te laisse une petite place dans son territoire afin que tu puisses continuer ta petite jouissance et manger à l’œil!

    - Voyons, pas si fort!... On pourrait nous entendre!... Regarde tous ces moines qui ne savent pas ce qui arrive et qui sont tout malheureux parce que je ne danse plus pour eux... Dis, tu n’as pas de compassion pour eux ?

    - Non! je fais...

   - Tu n’as pas assez de cœur pour comprendre que nous devons utiliser des Forces telles que toi pour faire notre « œuvre » ? elle me balance dans les gencives.

    - Ah!... Parce que tu sais « qui » je suis ?

   - Bien sûr!... Seul un Yam Majeur peut savoir ce qui se passe vraiment dans le Bam Majeur... et en plus, capable d’arrêter ma danse, dit-elle finement.

    - Alors tu sais que je peux aussi te détruire ?

   - Oui, je sais... dit-elle en riant... Mais tu ne le feras pas! termina-t-elle avec un pas de danse.

    - Pourquoi ? je fais.

    - Mais parce que tu t’ennuierais sans nous, le Bam!... ricane-t-elle.

 

Elle a perdu la beauté des cent pleines lunes d’automne. C’est une petite gamine agressive qui vient clamer son utilité.

 

    - Tiens donc! je fais.

   - Mais oui, mon chéri!... Tu es Intelligence... Tu es la « Vue »... Mais nous, nous sommes la « matière » et je te pète à la gueule, mon petit chéri... dit-elle en se retournant et me montrant son cul.

    - Alors ? je fais.

    - Toi, tu te préoccupes de ces petits humains et de leur destin... Mais tu oublies que leur destin est scellé depuis le début... Tout ce qui est créé sera détruit un jour... Cela est la seule certitude!

     - Alors ?

   - Alors ?... Mais mon petit chéri, au lieu de prendre feu et flammes pour ces petits humains complètement ridicules dans leurs rêves, que je dois reconnaître nous avons construits pour eux, tu pourrais peut-être venir nous assister mieux dans cette manipulation grandiose que nous établissons de plus en plus dans cet Univers et que tu appelles le Treillis... Car « nous » nous ne pouvons pas disparaître... du moins ma Mère... Mais eux, les humains sont finis et ils seront remplacés par une autre espèce pourvoyeuse de nourriture pour mon Père, via ma Mère!... Compris mon chéri ?

 

Elle est contente d’elle et son sourire rayonne la méchanceté qui sait dominer la situation de la vie ordinaire.

 

    - Alors descends de ton grand cheval noir, mon petit chéri!... Zorro n’a plus sa place ici... Tu es lié à nous, à Bam... Même si tu es plus fort que « nous », que tu peux nous pousser dans des directions que nous ne voulons pas, tu n’es rien sans nous... Et le corps que tu as est « nous » et nous pouvons le reprendre dans sa matière... et il ne te restera que ton Intelligence, ta Vue... Mais sans matière, tu es comme un acteur qui a perdu sa voix... N’est-ce-pas mon petit chéri ?

 

C’est qu’elle a raison la gueuse!

Et le Gourou Rimpoché sur son estrade me regarde goguenard. Il est intéressé par le résultat de match. Qui va gagner le point ?

Un vrai Tibétain qui sont des joueurs invétérés.

    - J’ai eu le même problème que toi, mon gars! me balance-t-il dans les gencives.

 

La Tara, elle a préféré de se faire la malle et de courir raconter l’histoire à sa Mère qui l’aura rassurée:

« Ne t’en fais pas, ma Fille, il ne peut rien contre nous... Sauf hurler au scandale... Mais c’est nous la Matière!... Et la Terre gagne toujours sur le Ciel!... Nous, nous savons y faire pour manipuler le monde et leur faire croire des « vérités »!... Eux, ils ne sont que des râleurs jamais contents!... Et ils finissent par se mettre tout le monde sur le dos ».

Et la fille se sera couchée en chien de fusil en attente d’une jouissance nouvelle dans des draps de satin.

 

Alors le Gourou Rimpoché reprend la parole:

    - Mais j’ai compris ce qu’ils étaient avant qu’il ne soit trop tard... Alors je n’ai rien laissé sur cette Terre des Hommes qui soit du Yam... Je suis seulement resté en vibration du contrôle du Bam. Et c’est la radiation que tu as pu percevoir dans les éléments de la Terre et dans la mémoire des Hommes.

 

Tiens, le vieux crouton du haut de son perchoir voudrait un peu communiquer!

Et il ne dit pas que des conneries!

Il ajoute:

    - C’est pour cela que je ne peux pas mettre le vieux Holiness sur le Yam ?... Il reste sur le Bam et Amour Universel... En fait la Mère de Tara.

Té!... Il est direct, le vieux nimbo avec sa barbichette à la Lénine.

Il confirme:

    - La Mère de Tara et de tous les autres, tu le sais, fait-il.

   - Je le sais... Mais ma préoccupation est le vieux Rimpo, le copain de celui qui a la prétention de me servir de Père, je fais.

   - C’est vrai qu’avoir la prétention de te servir de Père est vraiment très prétentieux, il rigole... Mais pour ton problème, je ne peux pas grand chose pour toi.

    - Pourquoi ?

    - Je n’ai pas fait la connerie, comme certains de tes contrées, d’avoir laissé quelque chose de moi derrière... Je n’ai pas de queue qui traîne avec laquelle on pourrait m’attacher.

 

Tiens donc!... la Vérité il est prêt à sortir, le vieux tout ridé... Il faut dire que depuis plus de mille ans qu’il est muet, il a une belle arthrite à la mâchoire et je lui donne une possibilité inespérée de la mettre un peu en mouvement.

 

    - Tu n’as donc laissé que ta mémoire ? je demande.

    - Même pas... J’ai laissé la radiation de « moi » qui a imprégné tout autour de moi, là où mon corps fut... Les pierres, le vent, l’eau, les hommes... car je n’avais aucune possibilité de la reprendre.

    - C’est cette radiation qu’ils utilisent ?

    - Oui... Et je ne peux rien pour eux car je n’ai rien laissé...

    - Alors tu ne peux plus communiquer avec eux ?

   - C’est cela... Je ne peux plus communiquer avec eux... et je n’en ai pas la moindre envie.

    - Pourquoi ?

    - Il faudrait que je reprenne un corps et tu sais bien alors que je dois repasser par Bam... et tu as vu la merde que c’est maintenant ?... Je ne voudrais pas être à ta place, mon frère!

   - Moi non plus, je ne voudrais pas être à ma place, je fais en rigolant... Car en finale, la gueuse de Tara, elle a raison: je suis coincé!

   - Oui, tu es coincé, confirme-t-il... Comme moi je l’ai été et je ne peux pas te donner le moindre conseil... Je fus mis dehors du circuit que j’avais créé pour Bam, par Bam... Mais c’est la conclusion normale rigole-t-il... Depuis que le Treillis a pris possession du Bam, on ne peut plus lui faire confiance et automatiquement ce sera un voleur un jour... Et espère encore que ce ne soit pas ta vie qu’il vole et qu’il ne se transforme pas en tueur.

- Merci de ta sollicitude... Mais cela ne fait pas mon affaire avec le vieux copain du Roshi.

 

Il rigole.

    - Mais pourquoi tu veux encore faire plaisir à ton Roshi ?... Tu ne peux pas l’envoyer sur les pâquerettes ?

   - Tant que j’ai un corps, il faut bien que je respire, je fais... Alors aider lui ou un autre, c’est du pareil au même... Et au moins avec lui je peux rigoler: il a le sens de l’humour!

 

Gourou Rimpoché me regarde sérieux et me balance entre les gencives:

    - Fais tout de même attention à toi... Je vois la mort rôder autour de toi.

    - Merci... Je m’en suis rendu compte tout seul!... Mais pour le vieux... Comment je peux faire ?

   - Je ne sais pas... Je n’ai rien laissé en Yam dans sa mémoire... Alors il ne pourra pas avoir les réflexes Yam...

    - Seulement avoir une compréhension du Yam, n’est-ce-pas ?... Mais pas sa Force.

    - J’en ai bien peur, il me fait.

 

Nous restons un moment silencieux.

Puis il conclut en remontant sur son estrade.

 

    - Bon, c’est pas le tout!... Je ne m’ennuie pas avec le frère que tu es... mais il est le temps d’aller au pieu!

    - Bye bye, je fais.

    - Tchao, il fait.

 

Les moines ont déserté le Temple. La nuit est dehors. Je n’ai pas sommeil.

Qu’est-ce-que je fous sur cette Terre à la con ?!... Dites, vous, vous avez une réponse ?

 

 

Le Roshi fit encore un rêve intense cette nuit. Il avait son fils dans le pavillon à côté, ce pavillon maintenant vide, et son fils parlait à Heidi.

C’était la continuité du rêve qu’il avait fait quelques jours auparavant... Comme si Heidi avait aussi connaissance du rêve... comme si rien n’est séparé.

    - D’abord, tu as à récupérer tout ce que tu as créé sur cette Terre... Tu ne laisses rien derrière en tant que nourriture pour les autres, en tant qu’espoir que tu peux encore modifier et améliorer quelque chose pour eux... C’est une Décision qui vient d’ailleurs que de tes jugements, appréciations, références... Il n’y a pas de haine, ni reproches... Juste une constatation que “c’est fini”.

 

La jeune femme acquiesça. Elle montra qu’elle comprenait les sons des mots dans son cœur.

 

    - Alors reviens sur ce que j’ai dit à Tong sur les conditions préalables au “départ”... et que tu as entendues en ton cœur.

Ces conditions sont remplies lorsque le corps entre dans un autre mouvement que celui de participer avec les autres hommes... C’est une autre participation!... Un autre Amour... Un autre intérêt.

 

Elle opina et son cou pencha sur son côté droit, les yeux fixés à ceux de Celui qu’elle aime.

 

    - Mais il faut être très précis... Il n’y a alors aucune opposition entre Bam et Yam... Aucune guerre... Aucun reproche... C’est seulement Yam qui reprend à Bam ce qui lui a été donné par Lui car cela est utilisé dans un mouvement autre que celui du Yam, que celui de cette Intelligence Primordiale.

 

Elle ferma un instant les paupières. Elle laissa pénétrer cette vérité dans son corps et elle la sentit entrer dans le cœur qui sauta quelques cadences.

 

    - Tu vois, c’est une question de “mouvement”... C’est le mouvement qui supporte l’action... Mais quelle est l’impulsion de l’action ?... Bam a cherché à jouer son propre jeu et maintenant il est certain que ce jeu n’est pas seulement contraire à l’ordre de Yam, mais “torture” Yam en Bam...

 

Elle comprenait cette souffrance.

C’est « elle » qu’elle sentait dans son corps lorsque son « Ange » était en elle.

    - Car Yam est une force “vivante”!... Lorsqu’elle est dans un corps, ce corps souffre lorsque la vibration imposée à ses cellules n’est pas celle du Yam... Ainsi la présence de Yam dans le Bam permet une souffrance des corps et la radiation de cette souffrance est nourriture pour le treillis...

 

    - Je comprends, dit-elle. Elle tendit la main vers le genou de celui en face d’elle. Elle voulait lui transmettre son soutien de Vraie Femme qui prend sur elle la souffrance de celui qu’elle aime.

 

    - Mais cela va plus loin: cette souffrance n’est pas seulement une nourriture pour le treillis... mais la radiation de cette souffrance, ce que l’on peut appeler les “conséquences”, AUGMENTE le pourrissement du corps de l’humanité!...

 

Elle bougea la tête.

    - Alors tu comprends que la présence de Yam dans Bam n’est pas seulement une souffrance pour Yam dans un corps, n’est pas seulement souffrance pour le corps de l’Être, n’est pas seulement nourriture et avantage pour le treillis... mais favorise et augmente le pourrissement du corps de l’humanité!...

 

     - Je sais maintenant cela... depuis que j’ai quitté le monastère... Comment ce lieu était un limitateur de conscience!

    - Ainsi l’espace pour “vivre autrement” dans ce corps de l’humanité devient de plus en plus restreint... Et bientôt il n’y aura plus possibilités d’“aider” le vrai chercheur de vérité dans ce marécage.

 

     - Oui, je sais cela... Lorsque je chante, les sons me reviennent, inutilisés.

    - La seule aide que l’on pourra alors lui apporter sera les “moyens” pour quitter ce corps piégé!... sans rester piégé par les rêves de Bam: ce fameux Amour Universel qui n’existe plus en matière mais seulement en mémoire dans les cellules... Bam actuellement est Bam-treillis... Et de plus en plus.

 

Le cou de la jeune femme se tord sous une douleur subite dans la nuque.

    - Mais comme je te l’ai déjà dit, il n’est pas possible de partir en désespérance, mais en « espérance »... Pas d’une autre vie meilleure car tu n’existeras plus... Mais comme outil qui va cesser de construire et développer la pourriture du fait de sa seule existence dans ce corps de l’humanité... Car souviens-toi de ce que je t’ai toujours dit: c’est l’espace dans lequel tu es qui récupère le fruit de ta radiation... Et le fruit de ta radiation est conduit par le mouvement... Donc tu cesses de bouger, ni à droite, ni à gauche, car de toute manière c’est la même chose.

 

Il rit doucement.

    - Cesser de bouger, est cesser de participer... Tu mets ainsi fin à l’engagement premier que tu sais ne pas pouvoir fonctionner.

 

Puis il continua... laissant à Heidi le temps de décontracter sa nuque d’une caresse de sa main.

    - Et comme tu as besoin de “carburant” pour partir, tu as à reprendre ce que tu as donné à ce corps de l’humanité... C’est cela “récupérer ce que tu as donné”... Cela était pour un travail... Cette énergie est l’outil de fonctionnement... On fait autre chose que ce qui a été prévu “dans le contrat originel pour avoir un corps”... Tu reprends l’outil!...

 

Il tendit sa main vers elle. Il lui toucha la nuque. Elle sentit la chaleur entrer dans ses os et descendre.

    - C’est simplement cela!... Tu reprends l’outil...

 

Ses paupières ouvrirent leur voile et elle entra dans ses yeux à Lui.

Le reste n’avait plus d’importance.

 

 

 

 

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