Troisième Mouvement.
Les Voiles.
Le vieillard caressa les feuillets du Livre d’or et leur odeur lui fit du bien. Le passé remontait et il était bon de se souvenir aussi lorsque seul le souvenir peut encore réveiller les branches engourdies de la Conscience.
Que de temps il avait perdu à s’occuper de l’Ordre du Monde!
Il avait rôdé longtemps autour du trou d’eau dans lequel son fils d’avant s’était glissé pour mourir. Il avait tenté de comprendre son choix. Il était resté longtemps immobile au-dessus de l’eau qui n’avait presque pas de remous en ce trou.
Hiro le surveillait. Sa tête émergeait au-dessus de la murette de son pavillon. L’inquiétude lui tenait les entrailles.
Après le départ du second fils du Maître, après celui de Heidi, il avait peur de perdre le dernier chaînon qui reste encore en ce lieu pour toucher la Nature de Bouddha et partir en Elle se recueillir lorsque le corps cesse son souffle.
Tous avaient peur en le monastère. Ils ne comprenaient pas, mais ils percevaient un danger énorme pour leur avenir. Ils n’avaient pas compris les enseignements du jeune Blanc. Ils les avaient écoutés avec leur tête. Leur corps ne connaissait pas le bonheur de ne pas fabriquer du futur avec leur volonté propre... Alors ils avaient peur car ils sentaient l’insécurité du futur.
Le Maître savait cela, mais cela ne faisait plus partie de ses préoccupations. Le départ de Heidi fut rude. Un rêve de plus qui éclatait et qui lui montrait au grand jour qu’il se faisait encore des rêves!
Il tourna autour du trou d’eau mais il ne trouva pas. Pourtant, il savait en son ventre qu’une raison était là, devant lui!... Alors pourquoi il ne la rencontrait pas dans sa conscience ?
Il revint contre le vent glacial des crêtes. Hiro soupira.
Il porta les yeux sur les lignes suivantes et ses mots tentèrent de réveiller la mémoire de l’Univers.
Le Voyage dans la Mort.
Dans le corridor qui mène à la carrée du Rimpoché, il y a du sérieux dans l’air et ce sérieux va assez profond pour devenir de l’inquiétude. Ils me regardent avec le sourire engageant du dog qui voudrait une sucrerie mais qui ne sait pas comment la demander compte tenu de votre caractère de chien qui mord d’abord et s’excuse après.
Donc en mec super décontracté qui s’attend à la connerie du siècle, j’entre dans la chambre du vieux en sifflotant, les mains dans les poches de mon blouson de daim.
Comme bien entendu c’est la parfaite attitude pour se présenter devant un « Holiness », je fais la normale sensation et ils me regardent avec des yeux de gamine qui voit son premier sexe mâle lorsque son père le lui a présenté au berceau en guise de biberon en lui disant: « Tu peux prendre, tu viens de là »... Et comme la gueuse fait des réticences, le père se fâche et la lui fourgue direct dans les ratiches en disant bien sérieux: « Il faut toujours retourner à son origine! ».
Le Rimpo qui a la capacité de lire en moi, comme je m’en suis rendu compte hier, rigole sur son siège en me voyant arriver vers lui.
- Tu ne respectes donc rien! fait-il…
- Et toi, Pépère ? je fais... Ce n’est pas cela que tu susurres à tes moines qui te font l’honneur de croire en toi ?... « Il faut retourner à son Origine »... « Rejoindre la Terre sûre, là où le nom même de malheur n’existe pas ?... ».
... Dis Pépère, il faudrait un peu regarder dans ton assiette avant de critiquer la mienne, je fais... D’autant plus que mon dîner, il est trop duraille pour ton estomac de petit vieux étriqué et tu vas transgresser vite fait si tu veux y goûter... Trop fort pour toi!
Le vieux, il n’attendait pas cette sortie à deux cent quarante à l’heure en plein museau et il ne sait plus comment organiser son pénis entre ses jambes repliées. Au moins, celui qui a la prétention de me servir de Père, le vieil asiat tout ridé pas beau, il avait trouvé la technique perfect: il l’enroulait dans sa barbichette, histoire aussi de le protéger des vents froids qui entraient partout en hiver dans ce monastère qu’un con a placé un jour au pied des crêtes les plus méchantes de la contrée, à nous envoyer sa glace même en été.
Mais lui, le vieux du Tibet, il n’a pas encore une longue pratique des rencontres avec moi et il est parti dans les foulées qu’il connaît: un humour distant avec une petite larme de reproche dedans... C’est ainsi qu’il ravit ses moines depuis qu’il est en âge de bafouiller et comme tout le monde rigole, et que tout le monde il est bon et tout le monde il est gentil avec lui, il a fini par croire que ses lèvres laissaient passer un flot subtil capable d’entraîner dans le Nirvana l’être le plus endurci du cœur.
Et le vieillard est d’autant plus emmerdé que j’avais compris direct qu’ils avaient tous quelque chose d’important à me demander, et de me voir dans ces dispositions agressives leur fait perdre leur assurance et ils ne savent plus par quel bout prendre le problo.
Alors c’est le vieux qui leur sauve la mise, parce qu’il n’est pas si con, car survivre correct jusqu’à quatre-vingt-quatre ans dans la lignée la plus ancienne et la plus magique des Tibétains, celle que l’on appelle « les Anciens », dont le nom en leur jargon est Nyingma, n’est pas à la portée du premier minable que l’on pioche à la sortie du bistrot lorsque les poules commencent à ouvrir les mirettes avant de tester si leur voix ne s’est pas faite la malle durant la nuit tandis qu’elles faisaient de l’équilibre sur leur perchoir.
- Avec toi, on doit rester au plus haut! il dit de sa voix la plus lente et les yeux au plafond pour y trouver la quintessence de la Vérité Sublime, celle qui remue les cœurs en leur plus profond... et cela entre les chiures des mouches qui sont nombreuses et il n’est donc pas facile de trouver encore du vide entre elles... ce qui témoigne d’un long entraînement de savoir reconnaître un vide transcendantal de la chiure d’une mouche blanche.
Il a parlé si lent que toute la tension de la salle est entrée dedans et le soulagement des moines est perceptible au bruit de forge de leurs poumons qui reprennent une activité normale après la longue rétention que je leur avais imposée.
Je reluque mieux ces mectons car il est évident qu’ils ne sont pas là pour ramasser les fraises en Décembre... Ils sont huit et c’est un chiffre Divin pour eux.
Donc nous allons aller dans du Divin en direct et ça me botte car j’aime poquer ceux qui sont autour de Dieu en croyant qu’ils sont Dieu.
Alors je regarde le vieux avec mon plus grand sourire. Il se détend derechef et trouve enfin une place correcte pour son pénis.
- Allez!... Ne tourne pas autour du pot, et envoie la purée! je fais, tout de qu’il y a de naturel lorsque vous vous adressez à ces gus qui n’ont plus besoin de se laver les pieds après le passage de tous ces mecs qui ont utilisé leur sainte journée à leur lécher les orteils.
Les huit moines baissent la tête car ils ne savent plus où se mettre. Alors ils préfèrent pour l’instant disparaître sous les lattes du parquet et aller direct en cuisine pour qu’on leur prépare une de leur terrible spécialité: le thé au beurre rance de yak.
Le Rimpo tente de récupérer la valse là où je suis, ce qui n’est pas facile, et je le comprends, car pour suivre un mec comme moi sans un long entraînement préalable, c’est comme vouloir courir derrière une mouche alors que le chirurgien du coin vient de vous couper les deux guibolles parce que du haut de sa grandeur il a estimé que le gus n’en avait plus besoin compte tenu qu’il avait la mauvaise habitude de courir derrière toutes les nanas qui lui foutaient une chaude pisse très préjudiciable à sa vessie et son foie. Aussi en Père responsable, il allait directement à l’origine de chaque chose et il coupait au plus court, puisque couper est sa fonction, son élan et son rêve et aussi son plaisir, ce pourquoi il a décidé d’être chirurgien et pas homéopathe. On est les outils que nous employons! Et cela fut un enseignement essentiel que m’a tartiné le vieux ridé pas beau qui voulait me servir de Père mais qui s’est tout de même cassé les ratiches sur le morceau duraille que je suis, ce dont le dentiste du coin m’a remercié car il commençait à être au chômage.
- Voilà... continua le vieux, en me regardant cette fois droit dans les mirettes pendant que je m’installe devant lui.
J’ai tiré une banquette où je me suis installé, au grand Dam de ces moines; on s’assoit sur le tapis devant le Rimpoché, pas au même niveau que lui! Alors, comme vous me connaissez, lorsque je sens l’agitation monter autour de moi, je vais direct au cœur du sujet. Aussi je prends deux gros coussins de plus et ainsi je suis plus haut que le petit vieux gros devant.
Le silence se fit. Rien de mieux que de pousser à l’extrême pour entrer dans ce Silence Divin d’où tout se crée et qui anime tout.
Alors c’est le vieux qui sauve encore la mise en rigolant. Les moines suivent le mouvement car la rigolade, c’est une nature spontanée chez les Tibétains.
- Donc je te disais, commença de nouveau le vieux...
- Non, tu ne me disais encore rien... Tu as seulement dit « Voilà ».
Le Rimpo manqua une respiration. Je ne lui facilitais pas les choses et il se demandait s’il allait pouvoir me courir après assez vite.
- Donc... Voilà... Comme je te le disais... J’ai parlé de mes expériences d’hier à quelques uns de mes moines les plus avancés et sérieux dans la recherche de la Vérité sur le Fonctionnement de l’Univers afin que dans leur activité quotidienne ils puissent mettre ce mouvement en action et accomplir leur Devoir Divin.
Et tout ça dans une seule respiration! Il m’émerveille le vieux!
Les moines reviennent de la cuisine et remontent à la surface. Ils ont saisi qu’on revient dans un monde qu’ils connaissent. Ils savent trouver leur place dedans. Ils sont en sécurité dans leurs connaissances.
Je n’aide pas le vieux. Je souris de mes deux oreilles car vous savez bien, culturés et sensibles comme je vous connais, que les deux yeux c’est fait pour entendre, le cœur pour comprendre, l’intelligence pour sentir et les oreilles pour voir.
Lui, il suit bien. Il a aussi compris qu’il va devoir faire le voyage tout seul et que je ne vais pas l’aider à piloter la bagnole. D’ailleurs, à Katmandou, faut prendre un taxi!... Si tu as la prétention d’utiliser ta propre charrette, tu vas avoir quelques surprises!... Sans compter que tu n’auras pas compris qu’il te faut mettre un petit billet dans la paluche du flic qui t’arrête au carrefour alors que tu ne sais pas pourquoi, ce qui fait que toutes les autres voitures vont te passer devant le nez tant que ta comprenette n’aura pas saisi l’aide bénévole que tu dois lui donner afin de l’aider à nourrir sa nombreuse famille.
- Donc... Voilà... Comme je te le disais... Nous avons parlé.
- Disons que tu as parlé et eux, ils ont écouté, je fais en me cherchant une puce dans l’oreille pour mieux voir.
Ah! Oui... Je ne vous ai pas dit: les puces!
Ici, en ce doux pays du Népal, qui était l’un des plus gentils pays du Monde avant que les Amerloques viennent y foutre leur merde en armant et entraînant des communistes Népalais de la haute montagne, plus communistes que les communistes chinois qu’ils nommaient des révisionnistes...
Et donc, que pour faire plaisir au Dalaï-lama, les Amerloques ont donc armé et entraîné ces gus afin qu’ils aillent un peu emmerder leurs frères chinois et leur mettent quelques pruneaux blindés dans la raie des fesses... Et que ces montagnards un peu moins cons que les Amerloques, qui, reconnaissez-le en toute tranquillité d’esprit, sont comme des enfants qui croient encore dans le retour de Jésus et c’est pourquoi ils soutiennent Israël car ils sont certains que le gus va revenir dans les terres qu’il a quittées!… Donc je vous disais, ces montagnards communistes, une fois entraînés et armés, se sont fait la remarque bien justifiée qu’ils sont avant tout Népalais et que leurs balles ils pouvaient peut-être les utiliser pour leurs affaires perso et ne pas utiliser la sainte journée fabriquée par Kali à faire plaisir au Dalaï-lama qui, comme c’est son habitude, fait faire le sale travail par les autres car ainsi, Lui, il reste clean de tous les côtés et peut continuer à dévider sa « Compassion Universelle »... ce que d’ailleurs certaines mauvaises langues, vous en conviendrez avec moi!, disent qu’il en est personnellement dépourvue...
Ah! Oui... Et donc ces communos Népalais ont fait leurs affaires sur leur propre Pays et c’est le bordel... Du moins un autre bordel que celui dont on avait l’habitude, car se faire défoncer la cage thoracique par les pneus de la voiture de luxe d’un des fils du roi, lancée à deux cents dans l’artère principale de Katmandou et cela à deux plombes du mat, c’est un destin divin puisque tous les membres de la Famille Royale sont des descendants des Dieux et donc de mourir par eux et une garantie d’une réincarnation exceptionnelle...
Mais en guise de bordel, ils ont maintenant les pruneaux d’acier des communos dans l’anus et ils n’ont pas encore trouvé une technique divine pour les digérer.
Ah!... les puces ?... Allez, une autre fois!...
Le vieux en face de moi est en train de perdre sa salive et avec les doigts devant ses essuie-glaces, il tente de ramener mon regard sur lui et de capturer mon attention qui était partie dans la contemplation divine d’un espace blanc laissé par les mouches qui ne l’avaient pas encore trouvé pour y déposer gracieusement leur création.
- Donc... Voilà... J’ai donc parlé à mes moines et huit d’entre eux seraient enthousiasmés de participer à nos séances de travail... Si bien sûr tu les acceptes, dit-il de sa voix douce.
Les huit gus concernés sourient de toutes leurs dents en me regardant comme le dog qui attend le sussucre... Bon je ne vous redis pas!
- Arrête tes charres, dis, vieux! je fais gentiment en continuant à chercher les chiures de mouche dans mes oreilles histoire de voir mieux.
- Comment ? fait-il en se penchant en avant, ce qui fait qu’il peut appuyer ses coudes sur son gros bide qui saille.
- Ne me prends pas encore pour le demeuré du village. Nous ne nous connaissons pas encore assez pour que tu puisses être certain que je suis un crétin de naissance, continuais-je avec le même mouvement dans mes pavillons au point que les moines se demandent si je n’ai pas une puce dedans... Ah! oui... Les puces ?... Une autre fois.
- Je ne te suis pas, mon ami, susurre-t-il du bout de ses lèvres avec les yeux en papillotes comme la morue avant de passer à l’huile brûlante, ce qui d’ailleurs fut parfaitement imité par des actrices de renom avant de rencontrer le Grand méchant Loup, mais en faisant en sorte qu’il ne se tire pas de peur, car elles voudraient faire l’expérience de la rencontre si surprenante.
Alors je mets mes mains sur mes cuisses croisées et je le regarde direct dans les mirettes qui oublient leur jeu de séduction.
- Dis, Pépère... Tu ne vas pas me faire croire que toute l’agitation qu’il y a dans les corps, cerveaux et plus encore, de tous les moines que je rencontre dans tes couloirs et aussi dans ta chambre, puisse être le simple fruit de cette « petite » demande que tu es en train de formuler comme une midinette qui s’informe de la température du pénis avant d’ouvrir la bouche.
En fait, le mec, il est soulagé. Je viens de lui ouvrir une porte qu’il ne savait pas comment pousser sans que je hurle: « Mais!... Monsieur », comme la gonzesse surprise dans son plumard avec la nuisette au ras de la chatte.
- Alors... Donc... Voilà... Ils aimeraient bien savoir comment pratiquer cette extraordinaire technique que tu appliques sur moi, il fait dans un seul souffle qui soulage celui de ses moines qui lâchent le leur.
- Tiens, donc! je fais... Vous êtes intéressés par sauter par-dessus le mur du mensonge ?
- Oui... Cela te surprend ?
- Beaucoup! dis-je... Beaucoup!... Ou alors vous n’avez pas encore bien compris jusqu’où peut vous amener cette technique.
- Que veux-tu dire ?
- Lorsque l’on bouscule le mur, on voit tout derrière... Le beau comme la merde.
- Oui... Je m’en suis rendu compte hier, dit-il sans comprendre mes commentaires.
- Alors... Vous dites que vous êtes prêt à aller voir toute la merde que vous avez produite avec une panoplie de techniques manipulatrices... Je ne vous crois pas !
Le vieux réfléchit et quitte l’appui sur son ventre, pour revenir à une position plus droite.
- Tu veux dire qu’il serait préférable d’aller plus loin dans la connaissance des découvertes, entre toi et moi, avant d’y introduire d’autres personnes qui ne seraient pas capables de supporter le choc de ces découvertes ? dit-il de sa voix lente qui ne bougeait pas l’air.
J’opine.
- Vous, dans le Bouddhisme, et en particulier vous les Tibétains, vous avez créé beaucoup d’enseignements sur la réincarnation et les relations karmiques avec les vies passées...
- Oui ? il dit, franchement très intéressé.
- Alors, posez-vous un peu la question: pourquoi tous vos chefs de Famille sont si opposés à ces techniques de « Vue » ?
- Tu veux dire que nous avons beaucoup de choses à cacher, demande-t-il, vraiment captivé par la Force qui sort de moi.
- C’est cela... Découvrir tous vos mensonges manipulateurs... Le voulez-vous « vraiment » ?
Il se masse le menton, puis passe sa main sur la tête et lisse ses cheveux longs portés en chignon.
- Alors pourquoi tu le fais avec moi ?
- Mais parce que pour toi, le mensonge est fini, dis-je doucement avec ma Force remuant ses yeux et allant droit au cœur.
- Tu veux dire que je n’ai plus le temps d’utiliser le mensonge ? demande-t-il.
Il suit bien le vieux dodu! Il a donné une part de la réponse.
C’est lui qui continue.
- Alors je suis celui qui peut accepter de voir la vérité des choses, dit-il.
- Non... Tu es celui qui « peut » voir la réalité des choses, je fais en articulant chacune des syllabes.
- Je ne comprends pas la différence entre tes mots et les miens, dit-il doucement, la voix frémissante d’intensité.
- C’est le problème, dis-je... Tu ne comprends pas!
Le Rimpoché laissa encore le temps prendre son temps et il dit de sa voix douce:
- Qu’est-ce-que je ne comprends pas ?
- Tu ne connais pas les voiles et leur importance, dis-je tout aussi tranquille.
- Les « voiles » ?
- C’est cela, fais-je... Tu restes encore un enfant dans ton monde...
- C’est-à-dire ?
- Bien que tu appartiennes à cette prestigieuse Famille des Nyingma, les descendants directs de Gourou Rimpoché, comme vous l’appelez... tu es devenu trop « philosophe » et tu as perdu une bonne part de tes possibilités magiques, je fais.
- Je ne comprends pas.
- Il faut travailler avec l’Univers et communiquer avec Lui selon Sa Magie pour rencontrer les « voiles » et savoir comment ils ont été créés et comment ils agissent, dis-je doucement... Mais la Magie de l’Univers vous fait peur et vous préférez entrer dans le monde de la Philosophie... Mais la Magie est toujours là et toujours en activité!
- Et c’est elle qui régit tout, n’est-ce-pas ?
- Oui... Je fais... Tout!
Il laissa le temps reprendre possession de sa respiration, puis il dit:
- Alors ?
- Alors je vais tenter de te faire voir ces voiles ce soir, dis- je.
- Pourquoi pas maintenant ?... Je suis prêt!
- Non, tu n’es plus prêt... Tu as perdu beaucoup d’énergie à t’occuper de toutes ces questions avec tes moines... Il faut remonter la pression.
- Tu veux dire que je perds de la Force que tu me donnes lorsque je me préoccupe d’eux ? fait-il.
- Oui... C’est la troisième loi en énergie fondamentale, celle de la pénétration par intérêt, fais-je.
- La troisième loi ?
- Tu vois, tu as encore beaucoup à savoir sur la Magie de l’Univers.
Je déplie mes jambes et je réponds:
- Nous regarderons cela ce soir, après le dîner.
Je me lève et les moines sont soucieux. Le Rimpoché aussi.
Le soir, je suis devant le vieux allongé. Sa respiration siffle.
- J’ai eu une difficile journée après ton départ, fait-il.
- Oui.
- J’ai vérifié ce que tu m’as dit.
- Oui.
- Je me suis occupé du désappointement de mes moines.
- Oui.
- Et je suis épuisé, dit-il.
- Oui.
- Mais le principal est que j’ai perçu tout le mécanisme du départ de mon énergie de mon corps.
- Oui.
- Et ensuite j’ai pu constater comment ma vitalité et mon enthousiasme étaient partis.
- Oui.
- Je ne connaissais pas le fonctionnement de l’énergie selon cette manière de regarder.
- Oui.
- Comment appelles-tu déjà cette troisième loi: pénétration par intérêt ?
- Oui.
Il prit une pause et il dit de nouveau:
- C’est toujours ainsi ?
- Oui... C’est une loi.
- Alors il y a toujours ces échanges d’énergie ?
- Oui.
- Mais on peut contrôler cela ?... Je me sens épuisé.
- Oui.
- Comment ?
- En choisissant les vibrations d’action.
- Je ne comprends pas.
- Je sais, je fais.
- Pourquoi je ne comprends pas malgré tous mes pouvoirs et ma culture ? demande-t-il vraiment inquiet.
- À cause de la Compassion, je fais.
Il reste avec lui-même. C’est un « grand » et il a une Intelligence Intuitive très développée.
- C’est une fausse compassion ? demande-t-il.
- Oui.
- Et où est la vraie ?
Toujours pratique, les Tibétains. Avec eux, lorsque vous amenez la farine ils vous demandent tout de suite comment faire le pain.
- Là où tu ne la crois pas, je fais.
- Où ?
- À l’origine de chaque chose, je fais.
- Je ne comprends pas.
- Je sais.
- Pourquoi je ne comprends pas ?
- Parce que tu prends le train en marche et tu ne remontes pas jusqu’à la locomotive.
- Qui est la locomotive ?
- Pour toi, c’est celui que tu appelles Gourou Rimpoché.
Encore un silence dans sa voix; ça carbure au kérosène dans son cerveau.
- Tu veux dire que ce que nous pratiquons tous les jours, ce n’est pas Gourou Rimpoché ?
- Ce n’est plus Lui, je confirme.
Il me regarde avec les mirettes ouvertes comme un gosse.
- J’ai confiance en toi, il dit... Mais tu me remues profond, tu sais mon jeune ami.
- Je sais.
- Je pourrai savoir un jour ?
- Oui.
- Quand ?
- Peut-être demain... ou dans quelques jours.
- Merci.
Je laisse le silence prendre sa place et je dis:
- Mais si tu laisses fonctionner cette troisième loi énergétique sans contrôle, tu vas perdre le tonus que je te donne et tu mettras des années lumières à toucher cette Connaissance.
- Tu veux dire que ce que je perçois maintenant est l’action de la Force que tu mets en moi.
- Tout juste, je fais.
- Je comprends cela et je le sens dans tout mon corps... Mais comment contrôler cette loi qui me pompe mon énergie au point que je me sens de nouveau faible et ne voudrais que rester allongé ?
- Simple, je fais.
- Oui ?
- Tu fermes ton cœur et ton esprit à leur cœur, à leur corps à leurs préoccupations.
- Comment ?
- En installant une priorité.
- C’est-à-dire ?
- Lorsque l’on est face à sa mort, on n’a pas le temps de s’occuper des autres choses de la Terre.
- Je comprends... Je me mets devant ma mort.
- De toute manière tu n’as pas le choix et c’est pour cela que je suis là.
- Dis-moi plus ?
- Tu es devant ta mort!
- Oui... Maintenant je comprends.
Le temps reprend ses minutes qui font bien une heure. J’ai placé ma main sur sa poitrine et je charge à chacun de mes souffles.
La pression d’énergie augmente et à un moment je le sens se soulever. Il me confirme car c’est un homme sérieux. Il suit chacune de mes respirations car il sait que je suis là pour lui.
- Je ne sens plus mon corps, dit-il... C’est comme un nuage qui flotte.
- Laisse-le flotter et demande-lui de t’amener dans sa Dimension à Lui... Demande cela dans le secret de ton cœur et avec la sincérité de celui qui veut vraiment faire un voyage extraordinaire.
Quelques respirations suivent.
- Je vais vite dans l’espace et je vois des montagnes et des montagnes défiler sous moi... mais je passe par-dessus.
- Oui... Laisse aller et ne cherche pas à comprendre avec ton cerveau ou alors tu vas te trouver arrêté.
- Oui... Je continue très loin vers une lumière qu’il est difficile de regarder droit dans les yeux tellement elle est éblouissante.
- Regarde-la et va dedans.
- Elle me fait mal aux yeux!
- Dis-lui que tu l’aimes.
Il se détend et soupire. Des larmes glissent sur ses joues.
- Je lui ai dit que je l’aime et instantanément je suis dedans... Quelle merveille!... C’est encore plus fort que hier!... Je sens et vois encore plus précisément la Force de la Création et je reconnais que c’est celle de Gourou Rimpoché.
- Ne t’occupe pas de mettre des noms et des références. Reste avec cette Force et entre de plus en plus en elle.
- Oui.
Le temps prend encore son temps. Il faut lui laisser les minutes du temps chronologique qui est le seul qui existe car il « voit », mais son cerveau tente de trouver des explications et il lui faut du temps pour s’organiser.
- Je perçois encore plus fort qu’hier la Force de Vie qui pousse à se réincarner et participer au Monde pour construire et améliorer.
- Alors examine bien quel est le type d’enthousiasme de cette Force.
- Oui... C’est neutre... Je veux dire qu’il n’y a pas d’émotionnel ou d’excitation... C’est ainsi!... C’est comme cela que les choses doivent se faire!... et il n’y a pas de choix ou de décision à prendre... C’est ainsi et on doit s’y soumettre... Même il n’y a rien à soumettre car il n’y a pas de choix... c’est ainsi.
- Dans cette Force, y a-t-il de la peur ?
- Non... La peur n’est pas là.
- Y a-t-il de la souffrance ?
- Non... La souffrance n’est pas là.
- Y a-t-il quelqu’un à la recherche du bonheur ?
- Non... Il n’y a personne dans cette recherche car il n’y a pas de malheur.
- Connais-tu cet Espace Force ?
- Non... Pas comme cela en direct... Seulement dans des méditations intenses j’ai senti cette plénitude... Mais pas ainsi, aussi précis et clair...
- Que sors-tu de cette clarté et de cette expérience en direct ?
- Je n’ai plus de doute, dit-il de sa voix calme qui ne bougeait pas l’air.
Le temps prit encore ses respirations.
- Vois-tu des voiles qui obscurcissent l’entendement et la compréhension, en cet espace Force ?
- Non... Tout est clair... Immense... et il n’y a rien à faire de particulier sauf à suivre cette Intelligence qui te conduit dans chacune des actions de ton souffle.
Je lui laisse le temps de prendre un bon bain dans cette Force de Vie qui fut son appel pendant toute son existence sur la terre.
- Alors maintenant reviens tranquillement vers la Terre... La vois-tu ?
- Oui... Elle est loin.
- Tu restes toujours enthousiaste à participer et créer ?
- De plus en plus.
- Alors approche-toi de la planète Terre et vérifie ce que cela fait sur toi... et regarde mieux ce qu’il y a à l’intérieur de cette planète.
Le temps prend son temps.
- Je vois du malheur dedans... Je vois beaucoup de sombre... Je vois de la souffrance... Mais je vois aussi des espaces clairs... et j’aimerais venir là et les faire rayonner plus et chasser le sombre.
- Tu es toujours enthousiaste ?
- De plus en plus en voyant tout ce malheur qui existe là... Je voudrais guérir cette souffrance.
- Alors rapproche-toi encore, jusqu’à une limite où tu sentiras quelque chose de nouveau.
- Quoi ?
- Je ne veux pas influencer ton esprit et ta vision... Constate par toi-même.
Il respire longuement, avec puissance; il se raidit de plus en plus.
- Plus j’approche de cette planète, plus j’ai de la tristesse en moi, voire du désespoir... C’est de plus en plus sombre.
- Et ta conscience, ta vision, ta lucidité ?
- C’est de plus en plus lent, lourd et confus... La clarté d’avant n’est plus là... Tout devient compliqué... Plus rien n’est fluide...
- Et si tu regardes les personnes qui sont sur cette planète ?
- C’est la même chose, elles sont confuses... Comme des aveugles qui se heurtent partout.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas... Je constate que tout est compliqué...
- Ton enthousiasme ?
- Il diminue aussi... Tout devient lourd.
- Perçois-tu pourquoi ?
- Non... Je vois seulement du sombre qui prend possession de tout... Tu peux m’expliquer ?
- Non... C’est à toi de voir en direct... Pas à moi de t’expliquer.
Le temps glisse encore.
- Es-tu toujours aussi enthousiaste à venir sur cette planète... Dans son espace ?
- Ce n’est plus de l’enthousiasme... Je sais seulement que j’ai à le faire et à mettre un peu plus de lumière dans les vides qui existent encore entre les grands espaces sombres qui semblent envahir presque tout.
- Et maintenant, si tu entres dans un corps, si tu entres dans ta conception, que perçois-tu ?
- Dès que je suis conçu, dès que la Force de mon père touche l’ovule de ma mère, il y a ce nuage sombre qui m’entoure et je me sens triste, serré, petit.
- As-tu encore ta lucidité ?
- Oui... Il y a une pastille de cette Force d’où je viens qui m’accompagne... Comme un condensé de cette Force dans lequel tout est contenu...
- Et alors ?
- Si je reste avec elle, j’ai toujours ma lucidité et même mon enthousiasme... Mais si je regarde ce nuage noir, je perds tout!... C’est comme si j’étais asphyxié.
Il laisse ses mots en suspens. Il les laisse se dérouler dans son corps avant de les saisir avec son esprit. C’est un « Grand »! Il sait par intuition comment faire.
- Je comprends ta troisième loi: la pénétration par intérêt. Dès que je porte attention à ce sombre, il entre en moi et je perds toute ma lucidité... Si je regarde et porte attention à cette pastille de Lumière en moi, tout est clair et lucide.
- Mais que ce passe-t-il pour les personnes que tu vois autour de toi ?
- Elles sont dans le sombre... c’est cela leur attention... Et elles tentent de s’y soustraire... Mais elles ne peuvent pas car l’attention qu’elles portent à leur souffrance augmente la pénétration de cette Force sombre en elles... C’est un jeu sans fin qui va à leur épuisement!... Alors, comment faire ?
- Vois-tu certains autour de toi dans cet épuisement ?
- Oui.
- Alors donne-leur une part de la pastille de vie que tu as en toi... et lorsqu’ils la perçoivent, dis-leur de dire seulement « Je t’aime ».
Le vieux pleure et pleure...
- C’est magnifique!... La Lumière grandit en eux!... Ils savent par eux-mêmes quoi faire et où diriger leurs pas!
Je le laisse à son bain de jouvence. Il est tout enthousiasmé de cette possibilité d’action... Il ne sait pas encore que l’homme préfère dire au sombre « je t’aime » car la Force du sombre leur donne des pouvoirs sur les autres et le noueux de l’homme est l’orgueil qui veut tout commander et contrôler.
Car si on dit à cette Force de Vie « je t’aime » on n’est rien par soi-même... On est cette Force en action et Elle dirige tout...
Mais pour l’homme ordinaire, ne rien diriger par soi-même, c’est être en prison... même si la vie est remplie d’or!
Mais ce vieux-là est un Grand. Il n’a pas besoin qu’on lui tienne la main pour aller au fond de la route.
- Mais je vois aussi qu’ils ne se maintiennent pas dans ce « Je t’aime »... Ils tentent de récupérer quelque chose pour eux-mêmes et en faire une création personnelle... Alors le sombre revient et ils perdent de nouveau leur clarté...
Il reste encore dans son silence, triste.
- C’est cela que tu appelais « les voiles » ?
- Oui... Mais c’est le commencement de ta compréhension.
Le silence encore revient.
- Tu veux dire qu’il y a encore pire que cela ?
- Oui.
- Quoi ?
- Toucher l’origine qui fabrique ce « sombre ».
- C’est ce que vous appelez « le Diable » dans vos pays ?
- Le Diable n’existe pas, je fais.
Il reste alors sans voix. Puis après un long moment il dit:
- Je pourrai aller le vérifier ?
- Oui.
- Alors tout est bien!
Je laisse ma main encore longtemps sur son cœur car il ressent dans son corps la souffrance du Monde.
Il commence à entrevoir une vérité; elle lui fait aussi peur car il se demande dans quelle mesure il n’a pas collaboré à cette Force qui enlève la lucidité de l’homme et son enthousiasme à être un outil pour la Création...
Les vrais Tibétains, les vrais Religieux de ces montagnes, se sont penchés et interrogés sur une question: « Pourquoi ils ont été mis dehors de chez eux par les Chinois et sont maintenant des errants qui doivent demander du secours à chacun ? ».
Ils savent que seul le Karma existe et ils se demandent quel effroyable karma ils ont construit de siècles en siècles après le départ de Gourou Rimpoché qui avait créé l’Espace de Vie pour eux.
La nuit est avec nous. Les moines sont dans le couloir et attendent. Le vieux sommeille dans un souffle lent. Son rythme est régulier. Ma main sur lui perçoit qu’il n’a pas perdu de pression énergétique. C’est vraiment un « Grand »!
Il demande:
- C’est terminé pour ce soir ?
- Non... Sauf si tu es trop fatigué, je fais.
- Je suis fatigué mais je sens en même temps une urgence en moi et cette urgence est une Force... pas une sensation simple du corps ou de l’esprit...
- Alors continuons, dis-je.
- Oui... Allons au fond de ces voiles!
- Tu ne pourras pas aller tout au fond ce soir, je lui dis.
- Pourquoi non ?
- Parce que la Création n’est pas linéaire mais spatiale.
- Ce qui veut dire que l’on ne peut pas la suivre comme une trace ou un fil ?
- Oui... Il y a plusieurs portes d’entrée dans le château et les corridors sont comme des labyrinthes... Très difficile de suivre le même qui peut vous entraîner dans des dédales sans fin.
- Alors il faut entrer autrement ?
- Oui par plusieurs portes et ensuite on a compris comment le château est construit.
- Et aujourd’hui, nous avons utilisé une porte, n’est-ce-pas ?
- Oui, celle de la logique chronologique, dis-je.
Il resta un moment concentré sur son souffle et je sentis dans son ventre une force grandir. Il se préparait.
- Tu veux dire que nous avons descendu le Temps... De l’origine à la planète... de la planète à l’homme... de l’homme à sa vie d’homme ?
- Oui.
- Alors maintenant il faut aller au bout de cette logique et descendre le Temps plus loin, n’est-ce-pas ?
- Oui.
- De l’homme en vie à l’homme mort, n’est-ce-pas ?
- Jusqu’à l’homme qui va mourir, cela suffira, dis-je en souriant.
Je suis émerveillé du bonhomme. Quelle compréhension!
- Alors je te suis, dit-il en soupirant.
Je concentre ma Force sur ses Portes du Ciel du cœur et je dis:
- Reprends le contact avec cette Force de Vie originelle.
- C’est fait! dit-il presque instantanément.
- Alors redescends le temps chronologique comme avant... Jusqu’à l’homme enfermé dans son nuage qui obscurcit son entendement.
- J’y suis, dit-il après un long moment.
- Si tu le peux, perçois-tu des échanges énergétiques de l’homme vers autre chose que lui en direct ?
- Que veux-tu dire ? demande-t-il.
- Je ne veux rien dire... Si tu vois, tu vois... Si tu ne vois pas, tu oublies ma question...
- Tu ne veux rien influencer, n’est-ce-pas ?
- Oui... Il est mieux de ne rien voir que de forcer l’imagination et de faire fonctionner le cerveau. Tu vois, ou tu ne vois pas!
Le temps prend son temps. Puis il souffle:
- Je vois... Je vois de l’énergie qui sort de l’homme et qui va dans la masse sombre qui l’entoure... Mais ce n’est pas un échange... Je dirais que c’est un pompage.
- L’homme est-il conscient de ce pompage ? je demande.
- Non... Son corps fabrique de l’énergie à partir de ses cellules et la masse sombre récupère la plus grosse partie de cette énergie... mais l’homme n’a aucune conscience de ce pompage... C’est comme un vol par la porte de derrière comme on dit chez nous, souffla-t-il avec une grande inquiétude dans la voix.
Il fit un signe de la main comme « Attends! »... Il voulait son temps et je le lui ai laissé.
Il entrait dans cette curieuse relation entre l’homme producteur d’énergie et cette masse sombre consommatrice de cette énergie. Il fronçait les sourcils. Parfois sa respiration devenait forte et douloureuse.
- C’est une vraie saloperie, dit-il lentement... C’est un vrai pompage de la vitalité de l’homme... Cette masse sombre se nourrit de lui... et il ne s’en rend pas compte!... Mais attends!...
Le temps est encore pour lui. Je connais cette saloperie. Elle est mon combat depuis si longtemps!
- Même si l’homme se rend compte de ce pompage et tente de le comprendre et de s’y opposer... c’est encore cette masse sombre qui récupère la majeure partie de l’énergie produite!... Quelle saloperie!
Il n’est pas content de cette découverte et il a crié. Deux têtes passent par la porte qui s’entrouvre. Je leur fais signe que tout va bien et leurs bouilles inquiètes retournent dans le couloir.
- Lorsque l’homme bouge... il fabrique de l’énergie à partir de ses cellules... Et la masse sombre qui obscurcit sa clarté est toujours le récupérateur de l’énergie produite... et avec cette énergie elle augmente encore l’opacité de la conscience... Merde!
Encore du temps à lui qui passe.
- Alors!...
- Comment faire ?... Tu bouges en acceptation ou tu bouges en défense, tu continues à nourrir le même monstre!... Voilà le « Alors ! » rugit-il.
- Ne perds pas encore le temps et tes forces à suivre cela... Cette Force est trop forte pour toi maintenant, je lui dis gentiment en caressant son cœur avec la main.
- Pourquoi ?
- Tu n’as pas encore assez de pression énergétique à l’intérieur de toi pour la suivre dans son terrier et elle va te faire chuter dans son gouffre... Il faut que tu attendes encore un peu...
- Et que je ne me laisse pas attraper par la troisième loi, n’est-ce-pas ? dit-il en rugissant.
Il comprend. C’est un Nyingma... Il connaît la puissance et les dangers de l’énergie. Son mentor Gourou Rimpoché n’a pas combattu et soumis les Bön pour rien, car ceux-là c’étaient de vrais magiciens!... Ils le sont d’ailleurs toujours.
- Alors que dois-je faire maintenant ?
- Entre tout simplement en un corps et regarde et sens ce qu’il advient lorsque la mort commence à venir et que les envoyés de la Mort se préparent à lui taper sur l’épaule.
- Oui...
Il prend le temps qui lui est nécessaire. Ce vieux m’épate. Il connaît la dimension si particulière du temps!
- Je vois l’homme qui commence à perdre sa vitalité, dit-il.
- C’est-à-dire ?
- Ses cellules ne produisent plus beaucoup d’énergie et cela de moins en moins.
- Alors porte attention au nuage sombre autour de lui, je demande.
- Merde!... Il sursaute…
- Quoi ?
- Il s’en va!
- C’est-à-dire ?
- Le nuage sombre quitte l’homme qui redevient Lumière!... Mais maintenant si faible!
- Et sa conscience ?
- Elle redevient claire!... Merde!... Je comprends maintenant la larme des mourants...
Il prend encore le temps avec lui. Je n’ai plus besoin de pousser. Il va tout seul sur le chemin de la connaissance de la Vie et de la Mort.
C’est doucement qu’il résume tout seul ce voyage d’aujourd’hui:
- À l’origine on est parfait... En prenant un corps on est englobé dans cette brume noirâtre qui se nourrit de nous et nous perdons notre conscience originelle... Au moment de partir, cette brume nous lâche car nous ne lui servons plus à rien car nous ne produisons plus d’énergie à partir de nos cellules... Et nous retrouvons notre conscience... et nous ne sommes pas content de nous être fait manipuler... Puis nous revenons et cette roue tourne sans fin... Mais...
- Mais ?
- Il doit être possible d’en arrêter avec cette roue!
- Oui, je fais.
Il reste seul encore un moment.
- Par « Je t’aime » n’est-ce-pas ? dit-il de sa voix si lente que le vent ne sent pas son souffle.
- Oui.
Il reprend son temps et il dit si doucement que même l’air ne l’a pas entendu:
- Mais il faut connaître son Amour avant de pouvoir lui dire « Je t’aime »... Je crois que je commence à comprendre... dit-il.
Il continue de lui-même car il est brave.
- Mais quel amour on va lui présenter ?... Celui issu de cette Force de Vie Originelle... Ou un de ceux produits par la masse sombre ?... C’est bien là où est la question essentielle, n’est-ce-pas ? mon grand ami si jeune!
- Oui, je fais dans la douceur des mots qui ne voulaient pas encore ajouter à son chagrin qui pointait derrière son cœur de Vrai Père.
- Et c’est là où j’ai peut-être une responsabilité, dit-il doucement.
- Peut-être, dis-je.
- Et même je fus peut-être une aide à cette manipulation de la conscience, dit-il faiblement.
- Peut-être, dis-je.
- Alors j’aurais alimenté cette masse sombre qui se nourrit de l’homme ?
- Peut-être, fais-je.
- Même si ma Force était intacte et toujours en connexion avec Gourou Rimpoché ?
- Peut-être, dis-je.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est le propriétaire du moyen qui est le récupérateur de l’énergie produite par l’utilisation du moyen, je dis doucement pour ne pas trop heurter le vieux corps souffrant.
Il manqua quelques respirations, puis il dit:
- Je comprends!
Puis après un long silence il demanda :
- Tu vas bien vouloir m’aider à aller voir ?
- Oui.
- Merci... Je veux défaire si j’ai construit quelque chose qui n’est pas juste.
C’est un homme courageux.
Le vieillard referma le Livre et ses mains caressèrent les feuilles d’or.
Il a aimé cet homme qui lui avait donné confiance en l’homme et la vie alors que son enthousiasme faiblissait après les heurts avec les chars russes, puis plus tard avec les soldats chinois.
Toutes ces guerres usèrent ses élans à parcourir le Monde et lui dire la beauté qu’il avait en lui et qui lui tenait chaud toutes les nuits.
Alors il fit un rêve et il partit au petit matin pour le Tibet, son bâton à la main et son sac sur le dos.
Lui aussi, le vieux Tibétain, l’a trouvé mal en point dans les montagnes et il l’a recueilli en son monastère.
Il lui a enseigné l’Art de la Compassion.
Il lui a sauvé sa vie qui partait avec l’enthousiasme à participer. Il l’a poussé dans la vie et il est revenu dans son Pays car là se trouvaient ses racines et il savait que ce n’est pas beau d’être un exilé.
Il avait voulu faire de même avec son fils d’avant.
Il n’avait pas compris que les conditions secondaires, le Monde était différent.
Heidi lui manque devant lui avec ses questions pour provoquer sa vie.
Il se demande ce qu’elle devient et il eut l’impulsion de demander à des moines d’aller aux nouvelles sur les chemins.
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