39. La Vie est un échiquier.

 

La jeune femme mit le Livre entre les mains de Tong et le poussa dans la chambre.

 

Elle s’installa au côté de la couche vide.

 

- Lis, demanda-t-elle… Continue les mots qui sont là…

 

Le long moine se plaça de l’autre côté et commença à sortir de ses lèvres les sons qu’elle attendait avec impatience.

 

- Articule mieux, lança-t-elle, penchée vers lui.

 

Sa tête se trouvait au-dessus où devait être le cœur de celui allongé sur le lit.

 

 

Extraits du Livre de la Famille Shin.

 

Ne vous faites pas soucis pour le vieux gonze qui se prend pour mon père et que c’est une prétention honteuse, car avec les orteils qu’il a déjà dans la tombe vu son âge avancé car après cinquante tickets on est un vieux crouton bon pour les ordures, vous êtes bien d’accord avec moi ?... Bon, pour vous dire qu’il est souvent comme ça.

 

Moi, je crois qu’il tombe régulièrement dans un délire maniaco-dépressif. Té! c’est bien normal avec la charge qu’il a sur le dos! Je lui en veux donc pas de ses conneries et ça m’empêche pas de rouler tranquille comme Baptiste vers Paname car il faut marner ce soir, du moins cette nuit car quand je me suis tiré de l’auberge, il était déjà dix heures.

 

Pour tout vous dire, je suis pas très content de moi car j’ai la sensation que je vais accélérer un mouvement trop rapide dans la conclusion de cette affaire au détriment de sa qualité; celle de Stéphane qui a bien le droit de prendre son temps. À cause de cette connasse de Yoko! Se payer des « états d’âme » bidons, dans la Famille Shin, c’est pas très loin d’un “exit définitif car dans cette foutue Organisation, on ne donne pas sa démission. On sort les pieds devant.

 

Alors, je me tâte... Et je me demande si je ne vais pas un peu inverser la vapeur, manière de foutre le bordel dans une autre direction. Pour ne rien vous cacher, comme promis, c’est tout songeur que je gare la chignole devant l’appartement de José.

 

Le bar est fermé. Il devrait être là.

 

Une heure du mat, un bon créneau pour une visite sans clairon ni trompette.

 

- Tu en as mis du temps!

 

Je ne me tourne pas vers la porte cochère d’où émerge la voix. J’avais senti. Mais pas du méchant.

 

- Toute la nuit, on t’a attendu... susurre la voix de Marc Antoine, comme un reproche.

 

Bébert émerge de l’ombre. Marc Antoine suit.

 

- Dis, tu veux bien que l’on monte dans ta tire... Du luxe. Je connais pas... Et puis, il fait frisquet en t’attendant. Heureusement que cette porte nous a mis à l’abri de la flotte...

 

Je déverrouille le tout et nous nous installons. Bébert devant avec moi. Le Marc Antoine à l’arrière. Je fais tourner le moulin et branche le chauffage.

 

- Merci, il me fait dans le dos, la voix mouillée par trop de flotte à Paname.

 

- Tu branles quoi, dans tes journées ?... NOUS, on s’est gelé les couilles... J’voudrais pas être méchant, mais je suis pas sûr que le Stéphane il ait bien choisi son privé. Tu passes ton temps à écluser les glas ou quoi ?

 

- Vous saviez depuis le départ, n’est-ce pas ?

 

- Pardi!

 

- Que crois-tu qu’on glande dans notre quartier!... Rien, des fois? Tu crois peut-être que nous ne savons pas TOUT ce qui s’y passe ? Bien sûr qu’on savait…On cherchait à repérer des chignoles à chouraver ce soir-là…

 

- On a tout vu... l’embarquement du Stéph et TOUT... quoi! me précise Marc Antoine de l’arrière.

 

- Oui, TOUT... confirme Bébert qui tient à avoir le dernier mot. Chef oblige.

 

- Et pourquoi vous n’avez rien dit ? je demande gentiment.

 

- Pardi!... rencarder des flics déjà tellement con qu’ils ne voient pas leurs pieds qu’ils mettent sur des merdes de chien... Alors! que croyais-tu qu’ils fassent de ce truc ?... Et sans preuves! Car faudrait pas compter sur nos témoignages… Nous voulons bien sauver la mise à Stéph, mais pas faire LEUR boulot. Ils n’avaient qu’à chercher!

 

- T’as bien trouvé, TOI... me rassure l’Antoine.

 

- Non, pas eux. Moi ? Pourquoi vous n’avez rien dit ? je demande.

 

- Nous voulions savoir ce que tu valais, avant... Nous avons d’ailleurs cherché à te prévenir que la case à Tonio était cernée. Mais nous sommes arrivés trop tard. La danse avait commencé...

 

- Quelle avoinée tu leur as mis! me félicite le Marc...

 

- Y a pas à dire, ça, c’est du boulot... Alors, tu vois, on t’attendait pour te faciliter le reste de ta mission... Car c’est bien ce que t’a demandé le Stéph, n’est-ce pas ?... Les viander. Tu peux y aller. T’as notre permise.

 

- Fais un peu de nettoyage. Un peu d’air pour souffler pour nos zigues. Deviennent possessifs, ces marlous casés! Tout doit maintenant passer par eux... Plus moyens de faire juter nos petites combines perso.

 

- T’as notre bénédiction, confirme Bébert une nouvelle fois.

 

- Merci, je fais... Et selon vous, qu’est-ce que je vais trouver dans la carrée de José ? Une dizaine de lames à m’attendre ?

 

- Te fais pas de mouron, mec. Y a que José et sa gueuse. Ils se sont pieutés dans les deux plombes.

 

- La fille Cola ?

 

Bébert rigole.

 

- Non. Tu verras... Une surprise du chef... Normal! Ne fais pas cette tête. Tu peux pas tout savoir en si peu de temps. Que depuis cinq jours t’es dans le coin. Faut pas se prendre pour superman, mec!

 

- Dis, fait bien chaud dans ta tire. On peut y rester pendant que tu termines ton job. On te la gardera.

 

- Ouais... et si c’est José qui te viande, on aura déjà les clés pour la vente aux enchères... rigole le Antoine Marc qui doit être celui du groupe chargé de l’humour.

 

Après ce préambule chaleureux, y a plus qu’à y aller. En les laissant au chaud, dans la BMW dont le moulin tourne gentiment. De toute manière, comme vous vous en étiez rendu compte, j’avais pas prévu de dormir cette nuit. C’est une nuit de ninja. Celle des révélations.

 

Le trou noir d’entrée de l’immeuble de José m’attire trop pour que je pense à roupiller. Un trou qui débouche sur un trou plus grand, plus profond, plein de poubelles, qu’on appelle cour dans certain lieu. Paris par exemple.

 

“Le sixième” m’a lancé Bébert lorsque je sortais de la chignole sans claquer la porte. Pas d’ascenseur. Bon pour les lattes. L’endroit où les vieux devraient crécher, histoire de faire fonctionner leurs varices et retarder le fauteuil roulant.

 

Tout est sombre dans ce trou. Les couloirs à peine éclairés par une loupiote anémique. L’odeur est celle des fauves qui ne se lavent pas souvent car ils aiment leur odeur. Les parois ne font pas ripette des normes acoustiques pour les logements en commun.

 

Je vous raconte tout en grimpant, sentant, écoutant, m’imprégnant... faites-moi penser à fourguer mes vêtements au pressing en rentrant. Les odeurs de friture rance ne sont pas mon parfum préféré.

 

La porte de José n’est pas plus compliquée que celle de tous les malfrats qui croient que dormir avec un tue-mouches sous l’oreiller les met à l'abri des incertitudes de la vie.

 

Bon Dieu! Que ça chlingue dans la carrée! Pas possible! La fenêtre doit être bloquée depuis des décennies. Juste un vestibule, avec deux portes. L’une est ouverte. J’y jette un œil, ou plutôt mon nez. L’odeur suffit à me renseigner. Le José, il doit pas descendre sa poubelle tous les jours. Par la lumière fade du réverbère de la rue, j’aperçois la vaisselle sale empilée dans l’évier. Reste l’autre lourde. J’y colle mon oreille. Deux souffles, bien réguliers. On s’appuie sérieux chez José. Le sommeil, c’est pas du bidon chez le mec. Pas à s’en faire pour le bruit de la porte. Juste à retenir sa respiration pour ne pas tomber raide entre les odeurs de sueur, de baise et de cigarettes.

 

D’ailleurs, moi, vous commencez à me connaître, j’suis pour la propreté Persil, celui qui lave plus blanc que le blanc. Donc, avez deviné. Je vais direct au hublot sur la rue. Qu’est-ce que je vous disais! Coincée, elle est la crémone. Heureusement que je suis le mec ingénieux qui connaît sur le bout du doigt les recommandations du “petit bricoleur chez soi”. J’avise une veste sur la chaise à côté. Je l’enroule autour de mon coude. Le reste est logique, non ? Le bruit du verre tombant six étages plus bas réveille les dormeurs profonds. Le José, c’est du serpent rapide. Sa main a vite fait de se précipiter sous le traversin et de la ressortir avec le pétard. Seulement, je ne suis plus sur la trajectoire. Juste à côté de lui. Pour le baiser matinal. Et le retournement du poignet comme gymnastique de réveil. Il a bien raison le mec qui disait que l’homme pense parce qu’il a une main. Faut aussi l’articuler correct. La retourner sur son poignet n’est peut-être pas ce qui est recommandé dans le manuel. Mais, entre nous, faut pas s’en faire pour le mec. Je suis certain que précautionneux comme je le devine, à jamais mettre ses oeufs dans le même panier, il doit avoir une complémentaire à sa sécu, qui le rembourse à 150%.

 

- Mais... qu'est-ce que c’est...?

 

Qu’il a interrompu pour gueuler sous la douleur selon le principe bien connu qu’on ne peut pas se préoccuper de deux choses en même temps.

 

Moi, j’allume pendant l’extase du mec puisque vous savez que la douleur vous fait rejoindre Dieu vite fait. Du moins, c’est un truc que l’on vous raconte dans quelques livres divins à la con. D’ailleurs, faut pas s’en formaliser. On a les lecteurs qu’on mérite.

 

Le tableau vaut la paire. De fesses, bien entendu. J’suis pas étonné. Je commençais à me douter d’un turbin de ce genre. Surtout depuis que je me suis rendu compte que le Stéph, il ne disait pas TOUT dans son journal. Pas un vrai journal. Mais je vous en causerai plus tard si j’y pense. Et puis, ces mectons qui m’attendent autour du bar de Tonio. Et puis les simagrées entre José et Tarin AVEC la frangine du môme. Et puis... C’est une forme d’intuition sans laquelle vous êtes vite mort dans mon job.

 

- N’allez surtout pas croire, Monsieur le Commissaire, que je ...

 

- Tais-toi, salope!... lui tortille José en se redressant la main gauche tenant le poignet droit qui a pris une drôle d’inclinaison.

 

Mais la femelle, elle n’est pas instit pour rien pour ne pas comprendre derechef où se trouve son avenir.

 

- Il m’a forcée!... Je vous le jure sur la tête de ma mère et...

 

Ce coup-ci, le José il y est allé de la torgnole et en a oublié son poignet qui pendouille comme un con, aussi con que son proprio, au bout d’un bras con. C’est vrai qu’elle charrie fort. Faudrait vérifier si sa mère n’est pas déjà morte, des fois.

 

- C’est vrai... VRAI... se met-elle à hurler.

 

La crise n’est pas loin. D’ailleurs, elle est orchestrée dans le cerveau manipulateur de ces personnes. La crise, cette “fameuse crise” que l’on dresse devant vous comme dernière interdiction, comme la dernière des manipulations, elle fait partie du jeu. Je vous l’ai déjà dit: restez IMMOBILE. Et vous verrez bien. Résultat garanti. Et la peine en prime pour vous être laissé avoir si longtemps.

 

Vous vous êtes rendu compte que MOI, je reste IMMOBILE. Faut dire que je connais la musique. J’ai pas été élevé par une instit pour rien. On apprend vite. Ou on crève. D’ailleurs, y a que moi qui ne cause pas dans cette carrée. Pourtant, à y bien regarder, c’est tout de même moi qui fait tache dans la soupe. Personne ne m’a invité. Vous voyez comment le cerveau est rapido. Il comprend direct. Méfiez-vous des gus qui font les cons de la comprenette, je vous ai déjà dit.

 

Qu’ils vident leur sac. Pas la peine d’orienter. Surtout avec une instit qui, elle, sait comment orienter direct la discussion pour se sortir d’affaire. En chargeant le mec. Au plus fort. En gros. Elle va en rajouter. Je saurai même ce dont je me fous, qu’elle n’aimait pas la sucette car il ne se lavait pas tous les jours le zob... Et puis, si elle est là, à poil dans le plumard d’un mec lui aussi la viande à l’air, et que ça sent le foutre frais qu’il m’a fallu ouvrir la fenêtre, c’est par le plus grand des hasards... Faut pas croire les évidences “Monsieur le Commissaire”... Elle passait par là. Et le mec était dans la peine. Gentille comme elle, il n’y en a pas deux, elle a bien voulu le soulager, pour qu’il ne fasse pas de conneries plus tard. Que croyez-vous “Monsieur le Commissaire”... Elle a bien lu son manuel d’instit.

 

- Moi, je voulais pas... C’est lui qui a insisté... Ho! que j’ai honte! Que vont penser les supérieurs ?... Monsieur le Commissaire... Si je vous disais TOUT CE QUE JE SAIS ?... vous pourriez... un peu... je sais pas, moi... Il existe des arrangements pour ceux qui vous aident, je crois...

 

- Sale garce de rognure... Tu vas la fermer ta sale gueule de morue.

 

- OH! Vous l'entendez, Monsieur le Commissaire!... Quelle honte!... Vous voyez bien que je n’ai rien à faire avec ce triste individu... D’ailleurs, je ne voudrais pas que vous vous mépreniez Monsieur le Commissaire... Si je suis là, c’est seulement pour récolter des renseignements sur les agissements de ces sales individus qui veulent introduire la drogue dans l’école... Mon ÉCOLE!... Vous vous rendez compte... Les pauvres gosses!... Je voulais...

 

- Saleté de garce... Si tu ne la boucles pas cette grosse gueule, va y avoir des copains qui vont le faire... définitif!

 

- Tu ne me fais pas peur, tu sais... D’ailleurs, tu ne m’as jamais fait peur... Un pauvre type comme toi! Dis, tu t’es regardé un peu ? Tu ne t’es pas demandé pourquoi j’acceptais de coucher avec toi, des fois ?... Ah! Monsieur le Commissaire... On peut dire que vous tombez à point pour arrêter toute la bande. MAINTENANT. J’ai tous les renseignements que je cherchais... Du beau travail que j’ai fait. Aux remerciements, j’ai droit!... Et d’abord, que j’aille prendre une bonne douche pour me laver de la pourriture de ce... Il n’y a vraiment pas de mot pour le nommer!

 

- Trainée! C’est pas du croyable. Mais, ne l’écoutez pas!... C’est elle qui rôdait dans le bar pour se faire reluire le cul!... C’est faux tout ce qu’elle raconte… C’est même elle qui a pensé aux détails pour l’écoulement et l’entrée de la came au lycée...

 

- MAIS... mon cher!... pour savoir jusqu’où VOUS vouliez aller. Une enquête que je faisais MOI… Que CROYEZ-VOUS ?... Que, ce que vous appelez pudiquement vos bijoux de famille, puissent constituer POUR MOI un attrait quelconque!... Quel toupet, n’est-ce pas Monsieur le Commissaire ? Ah! je vous garantis qu’après que je vous aurai raconté MON histoire, il jouera moins le fiérot... Je vous le garantis!

 

- Hé bien, très chère Mademoiselle l’institutrice, les Services de la Criminelle et des Stupéfiants que je représente ensemble seront très heureux de votre collaboration à remplir leurs questionnaires... Nous allons donc téléphoner au bureau central afin que vous puissiez vous rendre en toute tranquillité d’esprit en nos locaux sans une nouvelle envie de poursuivre toute seule votre très dangereuse enquête.

 

- Mais Monsieur le Commissaire… C’est à VOUS que je désire me confier. Je suis certaine que nous nous comprendrons à demi-mots. Croyez bien à mon plaisir de VOUS voir terminer en beauté cette si dangereuse affaire que j’ai bien amorcée.

 

- Ma chère institutrice... Je pourrais par exemple m’interroger sur votre silence lors de l’enquête sur la mort de Stéphane... Par exemple.

 

- Mais, c’est que je ne voulais pas désamorcer ma recherche qui commençait à peine!... Et puis, IL était mort, n’est-ce pas ? C’est bien dommage mais JE ne pouvais rien faire pour lui en dehors de livrer un jour ses assassins à la Justice, ce que je fais présentement entre vos mains.

 

- Pardi! c’est elle qui nous a prévenu du passage du gosse ce soir là!... Elle était inquiète car il lui semblait qu’il était au courant... Il posait de curieuses questions, parait-il!

 

- C’est FAUX... Je vous le dis CLAIREMENT, Monsieur le Commissaire... Stéphane ne m’a posé AUCUNE question sur cette filière de drogue qui se montait à l’École... Je le jure sur ma propre tête!

 

- Salope, va!... D’accord, t’as pas dit que le gosse t’avait posé des questions là-dessus... T’as dit que tu étais inquiète car son passage ne rimait à rien. Il ne parlait presque pas et il te regardait curieusement... Voilà ce qu’elle a dit, sale perdreau. T’en fais ce que tu veux mais moi je te jure sur ma première chaude pisse qu’elle se disait « très inquiète » et que le gosse « il devait se douter »... et que c’était « dangereux »... Voilà!

 

VOILÀ. Je m’y attendais. Logique. Comme j’aime enfoncer les clous, je veux la confirmation.

 

- Tu as donc prévenu Tarin ?

 

- Pardi!... Pas à moi de prendre une décision pareille.

 

- Dis, QUI t’as prévenu de ma visite probable au bar ?

 

- Tiens, mais elle!... Qu’est-ce que tu crois, poulet ? Elle se prenait pour une “tête”, une vraie Patronne qu’elle se croyait!... Tiens, je vais te dire, perdreau, maintenant j’en ai rien à foutre car je vais prendre un max... Mes bijoux de famille, comme elle le dit si bien, c’étaient la prime d’une partie de ses risques en plus du pognon!

 

- Salaud!... C’est toi qui me courais après...

 

- Tiens! courir après une nana qui sait pas vous faire une pipe correcte sans vous mordre le noeud.

 

- Oh! C’est trop fort!

 

Le jus est au point. Possible peut-être de pouvoir rattraper la manip de base mise à mal par la défection de Yoko. Duraille. Va falloir arquer dur.

 

Mais le Stéph vaut l’effort. Je crois.

 

- Vous êtes de la volaille pas fraîche tous les deux… mais c’est pas du petit gibier que je traque… Ce serait même ennuyeux pour moi car des coups de fusil désordonnés peuvent donner l’éveil à ceux que je cherche.

 

Tu parles qu’ils commencent à être tout ouïe à en oublier de s’envoyer les injures en pleine poire. VOILÀ, je fais...

 

- Vous êtes au parfum que le Syndicat s’intéresse à cette affaire d’une curieuse manière... T’es au parfum, José ?

 

- Pardi... T’as pas vu ma main droite!... Tu m’aurais pas eu tout à l’heure si c’est celle-là qui était allée chercher le flingue.

 

- Hé bien, le COLA, je vais te dire, ON s’en fout!

 

- Merde alors!... Mais c’est quoi votre job, alors ?

 

- Hé bien, comme ON vous l’a dit à la télé, j’arrive direct d’Asie pour régler cette affaire... En fait, il fallait un gus un peu spécial sur les bords, pas très regardant sur les procédés employés et SURTOUT, pas connu des Services de Police d’ici.

 

- Je crains que NOUS ne comprenions pas, Monsieur le Commissaire, rapplique l’instit qui a compris son intérêt à être toute ouverte des feuilles de choux.

 

Un moment de réflexion s’impose car j’improvise en direct et comme le dit si bien Petit Père, soit je déconne à plein, soit c’est de mon meilleur jus. J’espère pour nous deux, Stéph, que c’est la deuxième proposition qui entre en lice, faute de quoi ça va chier pour nos matricules.

 

- C’est le SYNDICAT qui NOUS intéresse.

 

- QUOI!... Comprends pas.... Que vient faire le Cola là-dedans ?

 

- Rien… Un pigeon dont on se sert. Il fallait bien une raison à ma nomination bidon.

 

- Parce que VOUS n’êtes pas Commissaire ?...

 

- Non... Disons il s’agit AUSSI d’une forme de nettoyage...

 

- Vous êtes un T.U.E.U.R… Elle articule... C’est pour ça les drôles de phrases du Président à votre sujet...

 

- Exact... Et le Syndicat a des ramifications dans la Police au plus « haut des niveaux »… Comprendo ?

 

- Oui... Alors… Mais, le Syndicat ?

 

- NOUS savions qu’il s’intéressait à VOTRE COMBINE et voulait la reprendre à sa charge. Pour cela, il fallait un motif pour entrer dans la danse.

 

- Stéphane...

 

- Oui, ma toute belle… Tu commences à comprendre.

 

- Suffisait de mettre le bordel pour qu’il ait une bonne raison d’intervenir au motif de l’assainissement de la situation… Vous avez bien vu que depuis mon arrivée je ne fous rien hormis de mettre le bordel par où je passe.

 

- Plutôt!

 

- Mais Pourquoi ?

 

- Tout simple. Il faut les coincer sur une affaire EN COURS... Obligés de se découvrir et de PRENDRE DES RISQUES... Comprendo ?

 

- Oui... c’est simple… Alors ainsi...?

 

- Oui, tu as compris ma belle.

 

- Vous vous en moquez de NOUS.

 

- Exact.

 

- Mais vous voulez que nous cessions.

 

- Non… le contraire. Que vous preniez le manche plus vigoureusement avec notre aide.

 

- Mais...

 

- Tu veux pas foutre Tarin au rencard et traiter direct avec Zaïmi ?

 

- Ben...

 

- Et toi, Martine, je te propose une échappée de taille!... T’aime le sexe, n’est-ce pas ? Allons, pas de chichi, c’est du très normal tout ça.

 

- Que… que devrais-je faire ?

 

- Voilà la bonne réponse.

 

- Je ne comprends pas.

 

- Tu vas… Le Syndicat a mis dans le circuit pour vous espionner une femme asiatique qui...

 

- Merde alors!... Elle en est... Tout se tient!

 

- Pardi!

 

- Oh!, la pute... J’t’en ai parlé Martine. Elle me faisait du gringue que c’était pas possible au point qu’il a failli avoir bagarre avec la sœur de Stéph...

 

- Donc, elle est du Syndicat... Mais je ne vois pas où j’interviens ?

 

- Simple… Elle est là pour “vous pénétrer”. Ce sont ses ordres. Elle doit découvrir les détails de l’opération de drogue... Après, ILS auront un bon moyen de chantage contre Zaïmi… comprendo ?

 

- Oui... Simple.

 

- Non, je ne comprends toujours pas mon intervention et votre remarque sur ma sexualité.

 

- Pour remplir sa mission, elle DOIT accepter TOUT ce que vous voulez...

 

Il faut vous mettre en confiance. Elle vous a bien abordé dans le style nana de bonne famille qui veut se frotter aux loubards, n’est-ce pas ?

 

- Oui... C’est un peu ça.

 

- Alors, mets-la au travail!

 

- Pas bête, on se fait de la monnaie au passage tout en...

 

- Pardi! fais-la entrer dans la bande mais par la petite porte!

 

- Tiens... Pas bête... Je te vois bien Martine la prendre en mains… Tu avais repéré des clients possibles avec des filles qui acceptent des situations hard.

 

- Elle ne pourra pas refuser...

 

- Non, rien... C’est sa mission... Dis, poulet… et en échange ?

 

- Je contrôle les contacts et remonte la filière.

 

- Pendant que nous on continue.

 

- Tout à fait.

 

- Et on la trouve où, cette poupée ?

 

- Rue Mouftard.

 

- Elle fera du raffut ?

 

- Un peu, au début... Pense! faut bien qu’elle joue son rôle de bourgeoise... pour la frime, peut-être, mais elle t’obligera à la dresser.

 

- Té!... ça me plaît. Et toi, Martine.

 

L’instit passait le bout de la langue rouge sur ses lèvres.

 

- On vous tient au courant comment ?

 

- C’est moi qui passerai.

 

…….

 

- Taxi!

 

- Allez vers la Marne, je vous indiquerai.

 

Tout se déroulait comme il l’avait envisagé et il en était content.

 

- Tiens, vous revoilà déjà!

 

Monsieur Albert n’était pas allé à la pêche seul. Bret avait bien senti l’invite, ce matin, mais il était préoccupé de ce montage d’hier au soir. Rattraper la queue de la chance ne suffit pas; encore faut-il ne pas la laisser glisser des mains. Il y avait tant à faire, à deviner! Maintenant, il avait déchargé une lourdeur de ses épaules. Il en était revenu à Stéph, exclusivement. Il avait diminué l’éventail de ses préoccupations et il pouvait revenir dans la connaissance intérieure du Kensho pour le guider. Maintenant, il savait qu’il pouvait laisser ses pas aller les uns après les autres, comme des géants stables qui connaissaient la route.

 

Tant pis pour Yoko! Ne l’intéressait plus la manière de José et Martine pour la “prendre en mains. Sûrement hard, Martine... Maintenant, les choses allaient fonctionner toutes seules car chacun se trouvait à sa place selon sa pulsion intérieure, celle-là qu’il n’ose jamais avouer. Et il sourit car Petit Père lui répétait inlassablement que l’Art de l’Assassin, celui suprême du Ninja Royal, eux: la Famille Shin, ce n’est pas la mort. C’est la pénétration. Il serait bien allé à la pêche, maintenant.

 

- Trop tard pour la pêche ?

 

Monsieur Albert jeta un regard rapide vers la cuisine où sa femme s’affairait dans un bruit de casseroles entrechoquées et se rapprocha rapidement de lui.

 

- Pour la pêche, oui... Mais pas pour la promenade en barque...

 

Il cligna de l’œil au jeune homme qui lui répondit de la même manière. Alors Monsieur Albert lui souffla à l’oreille d’une voix gamine ... “Bougez pas, je vais m’arranger!”.

 

Bret monta dans sa chambre qui ouvrait sur la rivière et se changea. En bas l’attendait l’aubergiste, lui aussi en bottes, les cannes à la main.

 

Bret se proposa de le décharger en partie.

 

- Prenez plutôt la musette, là! sur la chaise... Le casse-croûte, ajouta-t-il avec ce petit rire des gens contents d’eux. Bret trouva la sacoche de grosse toile diablement lourde pour un simple pique-nique...

 

Monsieur Albert perçut son froncement de sourcil... « Faut ce qu’il faut! ». Il lui fit signe de s’éclipser rapidement avec un signe de tête vers la cuisine où Bret croyait bien entendre maugréer Madame Germaine.

 

L’aubergiste rafla au passage deux imperméables sur le dossier d’une chaise. Il poussait vigoureusement Bret dans le dos, vers la porte de la terrasse. De là, ils allaient descendre vers l’embarcadère.

 

Il fallut vider la barque... « elle prend un peu l’eau... puis cette petite pluie de cette nuit »...

 

Le bois mouillé glissait. Il était aussi froid aux fesses.

 

Ils avaient à peine quitté la berge que Bret se sentit tout mouillé. Ses lèvres se détendirent en ce sourire si particulier qui lui montait vers les oreilles sans découvrir les dents.

 

Monsieur Albert ramait avec un bruit de forge dans ses poumons. La rivière paraissait comme un miroir tranquille sans rien laisser voir en dessous.

 

Il avait deux jours « à laisser faire ». Ainsi il sera et voulait être opaque, tranquille. Ses jambes le pousseront dans la campagne mouillée et il écoutera le chant de la Nature qui ressemble tant à celui de l’âme en paix dans son mouvement ininterrompu.

 

Il suffisait de lire les journaux, allongé sur la chaise longue que Madame Germaine sortait tous les matins sur la terrasse, dans l’angle qui prend le mieux le soleil. Ou écouter les gens qui passaient au bar.

Chity faisait bien son travail; un dosage parfait d’informations et d’interrogations… puis les rebondissements, comme cette conférence de Presse du Ministre...

 

- Vous avez vu, Madame Germaine, encore un enlèvement!... Cette fois, c’est une jap... En plein Paris, rue Mouftard.

 

- C’est une honte, des choses pareilles...

 

- C’est bien vrai. On est en sécurité nulle part maintenant.

 

Le soleil était revenu à travers un ciel qui restait lourd de promesses de brume, peut-être aussi de pluie, de celle si fine au vrai printemps avec ses giboulées, ses vents et odeurs.

 

- Vous avez vu, ils n’ont encore rien trouvé sur la mort de cette femme dans un bar de Clichy. Ils pensent à un règlement de compte entre bande après que le mari soit déjà à l’hôpital un oeil en moins... Dites! c’est pas du vice, ça! Envoyer des fléchettes! On ne cesse pas d’inventer...

 

- Vous allez voir, bientôt nous allons revenir à l’arc!

 

- Tiens, je vous le dis bien... On sait plus quoi inventer pour faire l’intéressant.

 

- C’est bien vrai, ça.

 

Tout à l’heure, il ira remonter la rivière par la sente qu’il connaissait maintenant bien. Il se méfiera des trous d’eau. Hier, il a glissé dans l’un d’eux et Madame Germaine s’est écriée en le voyant arriver crotté jusqu’à la taille.

 

Cela semblait faire plaisir à Monsieur Albert qui le regarda malicieux.

 

- Monsieur Nocquet apprend notre rivière et ses traîtrises... Il l’aime donc ou il ne resterait pas. Tais-toi donc Germaine! tu connais rien aux hommes!

 

Plus haut, à deux heures, il rejoindra un pont de bois vermoulu. Il devra prendre garde car l’ensemble tenait du vestige. Après, il pourra revenir par l’autre rive avec à sa droite une route de campagne comme il n’en existe plus beaucoup, étroite et bordée d’arbres avec un macadam fort abimé.

 

- N’empêche que c’est STÉPHANE qui est toujours à la une. Un sacré môme, quitte à me répéter.

 

- Vous pouvez le dire, Monsieur Albert! Un comme ça, j’en aurais bien voulu un!...

 

- À qui le dites-vous!

 

Le temps passait ainsi, principalement en promenade l’après-midi et le matin à la pêche. L’aubergiste a bien vu qu’il n’avait pas la fibre du pêcheur. On aurait dit qu’il le faisait exprès de mal accrocher le ver à l’hameçon.

 

Il fixait très intensément le bouchon tandis qu’il s’enfonçait. Monsieur Albert, au début lui criait de “ferrer sec”; puis il n’a plus rien dit, le regardant avec un haussement d’épaule, voulant comprendre ce curieux jeune homme qu’il aimait bien mais qui ne faisait rien comme tout le monde.

 

C’est l’intensité du regard de Bret qui l’étonnait. Il ne comprenait manifestement pas ce qui se passait dans ce corps presque maigre mais qu’il sentait pourtant très vigoureux.

 

Il n’imaginait pas un instant que ce jeune homme puisse être captivé par la vie intense qui existait là-dessous, sous cette première couche de surface qui masque le reste. Une activité débordante existait là! Elle le lui témoignait à chaque coup sur le bouchon. C’était plaisir de le voir s’enfoncer.

 

Pour ne pas choquer Monsieur Albert, il prenait deux poissons par jour. Un pour le midi, l’autre le soir.

 

Après il estimait qu’il avait suffisamment travaillé et il « attachait gros ». L’aubergiste ne lui disait plus rien car il avait un sourire heureux sur les lèvres... Il haussait les épaules, résigné.

 

C’est Madame Germaine qui s’exclamait au début, lorsqu’ils revenaient et qu’elle examinait les deux paniers.

 

- Mon pauvre Monsieur, vous n’avez vraiment pas de chance... C’est y bien mon Albert, peut-être, qu'il ne vous a pas bien montré comment il fallait faire… Vous savez, ces pêcheurs!... Ils n’aiment pas beaucoup la concurrence chez eux.

 

Albert lui disait qu’elle avait mauvaise langue et que c’était seulement malchance. Maintenant, lorsqu’ils avaient attaché la barque à l’embarcadère, il versait une partie de son panier dans celui de Bret qui le laissait faire sans un mot.

 

Ce fut dans le journal du troisième jour qu’il découvrit ce qu’il attendait. « UN RESPECTABLE HOMME D’AFFAIRE AGRESSÉ EN RENTRANT CHEZ LUI »...

 

Monsieur Tarin, Directeur Principal de la très connue Société Import-Export du même nom et conseiller Juridique, en rentrant chez lui hier au soir, vers les vingt-deux heures, a essuyé plusieurs coups de feu dans la rue à quelques mètres de la porte de son domicile. Blessé immédiatement à la cuisse, c’est manifestement cette blessure, selon les enquêteurs qui lui a sauvé la vie. En effet, cet homme grand et massif s’est immédiatement effondré sous le choc ce qui fait que deux autres balles de fort calibre qui visaient la tête, ou tout au moins le haut du corps sont passées au-dessus de lui. Il semblerait qu’il y ait au moins deux tireurs puisque le projectile de petit calibre qui a perforé le muscle de la cuisse n’est nullement le même que ceux que l’on a retrouvé encastrés dans la porte en bois massif de l’immeuble. La disparité des armes employées interroge les policiers...

L’enquête continue et... ».

 

Bon, il pouvait maintenant clôturer l’affaire Cola.

 

- Chity... Tu peux y aller plein pot.

 

- Terminé ?

 

- Oui.

 

- Bon, si ce n’est pas trop vous demander, Mon Prince Archi-Duc, j’aimerais bien comprendre AUSSI, car je dois reconnaître que j’en suis au même point que mes lecteurs… Je lance le bar de José-Tonio tutti-quanti dans le circuit, c’est ça ?

 

- Vous retardez, Chity, tout ça est maintenant dépassé.

 

- Tiens donc, vous m’en direz tant!... Comme fouteur de merde, je vous dis que vous méritez un insigne. Le Ministre n’a pas mâché ses mots à son interview… C’est simple ON sait pas ce que vous branlez.

 

- Sauf vous.

 

- Sauf moi, d’accord… Bon, votre truc, c’est quoi ?

 

- L’ensemble des relations que STÉPHANE avait découvertes et pourquoi il est mort.

 

- Comprends pas. Expliquez, Monsieur le Prince.

 

- Tout simple... Vous avez le journal avec la sodomisation du gosse. Je vous ai déjà donné que cela provenait du bar de Tonio-José.

 

- Oui… c’est l’info que je gardais sous le coude à votre demande.

 

- Hé bien, maintenant, c’est dépassé... Voilà l’histoire que vous allez présenter au public.

 

- Un moment... Je branche le magnéto... Vous parlez, je ne veux pas en perdre une miette...

 

- Bon… Il était une fois un gosse qui découvrait que sa frangine se trouvait en main par un faux caïd, un certain JOSÉ. Le gosse, pour protéger sa sœur, feint d’entrer dans la bande; par en dessous, il prévient les gens qu’on va cambrioler ou voler leurs voitures.

 

- Je sais tout ça, c’est dans le “journal... pas aussi précis, mais l’ensemble se tient.

 

- Là-dessus, la bande, pour se venger le fait sodomiser par un porteur de sida. C’est Tonio,le patron du bar qui s’en occupe car c’est aussi le patron de José.

 

- J’y suis. On va plus loin que le “journal” mais on s’y tient encore.

 

- Mais le gosse a du courage à revendre, d’autant plus qu’il avait découvert un trafic de vente de drogue à l’école...

 

- Merde!... Explosif!...Vous voulez pas dire que c’est dans CETTE bande qu’il l’a appris.

 

- Si... Et sa soeur se trouvait dans le coup, car pour ce truc, le Tonio, il était hors circuit. Il n’aurait pas marché dans cette dégueullasserie, il paraît. Alors JOSÉ, i1 traîtait direct avec Tarin, le mec à Zaïmi qui contrôle l’ensemble des activités du bar.

 

- C’est-à-dire que c’est José et la sœur du Stéph qui ont monté le coup, seuls ?

 

- Pas juste... Avec l’instit qui est AUSSI la maîtresse de José... Mais cela, la frangine de Stéph ne le sait pas. Je compte sur vous pour lui apprendre.

 

- Putain...!

 

- Alors on en vient à la mort de l’enfant. Le soir, il est allé voir son instit, pas pour parler de ce qu’on croit et que vous laissez justement dans le vague dans vos articles... Pour lui demander des comptes. Vous comprenez ?

 

- Plutôt... Putain de Merde de Rognure... Tu vas voir comment je vais l’arranger, celle-là!... putain!

 

- Le gosse est mort cette nuit-là.

 

- Putain!... Elle a prévenu son José ?

 

- Normal… Qui, lui, a répercuté à Tarin et tout le beau monde a kidnappé le gosse avec l’aide de la sœur.

 

- Putain!... Merde!... C’est pas vrai!

 

- Comme témoins, il y a des gosses, les mêmes que ceux qui savaient pour la sodomisation… Je vous ai donné les noms et adresses au journal... Vous pouvez maintenant les utiliser. Ils parleront dès qu’il sauront que l’ENSEMBLE de la bande va y passer… Et puis, cette histoire a fait maintenant trop de bruit pour qu’ils se taisent.

 

- Merde… Dites, Monsieur le Prince Archi-Duc et prenez tous les titres que vous voulez car sans charre vous les méritez, laissez-moi un peu respirer, j’en peux plus... Je crois que je vais dégueuler.

 

- Vous êtes dans les bonnes dispositions car c’est EXACTEMENT ça que je veux que vous communiquiez au public: dégueuler!

 

- T’en fais pas mon Prince, j’aurai pas de mal!

 

- C’est pas terminé...

 

- Quoi!, vous avez encore une rallonge à ces ordures ?

 

- Bien sûr... Que croyez-vous qu’il s’est passé pour le curé, les parents ?...

 

- Merde... NON... VOUS n’allez pas me dire...

 

- Si... Vous comprenez, comme il voulait sauver la mise à sa sœur, il fallait bien qu’il prévienne un peu pour qu’ON la mette hors du circuit.

 

- Il a parlé au curé...

 

- À demi-mots... Il a insisté sur une certaine irresponsabilité des parents qui, peut-être… Vous connaissez la suite puisque, si je lis bien vos articles, le curé et l’Évêché commencent à s’allonger sur ces informations.

 

- Oui... ILS commencent à ouvrir le parapluie et ce que vous dites rejoint parfaitement “les demi-mots” comme vous dites.

 

- Le Curé fait passer un billet aux parents qui saisissent l’Évêque pour faire taire son cureton. On trouve le biais du “secret de la confession”.

 

- Merde!... Tout se tient... Putain!

 

- Pendant ce temps, le fiston interrogé hard par les parents raconte toute l’histoire et ON décide de le foutre “en veilleuse”. Vous pensez, Chity! Une famille si bien!... Insiste là-dessus... J’y tiens.

 

- D’où on arrive à cette histoire de Maison de Correction et l’accord de Madame le Juge... Tenez! on a su pourquoi elle était dans le coup, elle a craqué: même cellule politique que le père de Stéph.

 

- Je sais.

 

- J’vous ai déjà dit que j’aimerais vous apprendre un jour un petit quelque chose, juste pour le plaisir.

 

- Mais le gosse a su la combine qu’on lui préparait et a tenté un dernier effort pour convaincre son instit que ce truc-là était infect... Il en est mort de cette démarche.

 

- Putain de Merde de Saloperie de Bon Dieu… J’vais dégueuler!

 

- La nuit même!... C'est la sœur qui a du pousser à la roue.

 

- Stop!... J’en peux plus.

 

- C’est pas fini, pourtant… Je viens de vous donner les raisons de sa mort, pas de l’ENSEMBLE de SON COMBAT... J’aimerai un titre comme ça!

 

- Dites... Allez, pas la peine de prendre soin de moi, je viens de jeter mon sandwich sur mes godasses.

 

- Le José et l’instit marchent aussi ensemble dans une combine de dressage de femmes pour des tarés sadiques... Faites du ramdam et vous allez vite trouver une cave ou un truc ainsi pas très loin du bar ou du domicile de José...

 

- Et... si je fais ce ramdam ?...

 

- Vous allez y trouver une jeune femme asiatique enlevée récemment à Paris.

 

- Vous voulez pas parler de la femme de la rue Mouftard, des fois!

 

- Si.

 

- Merde... Qu’est-ce qu’on va leur mettre plein la gueule aux flics qui se mêlent les pinceaux que c’est pas possible ? Dites, Monsieur le Prince... Vous avez bien dit que vous allez faire les relations, mais tout boucler comme ça!...Tous les faits qui remuent actuel!

 

- Reste Tarin... C’est José et l’instit qui lui ont tiré dessus cette nuit... Ils voulaient prendre sa place et avoir un rapport direct avec le grand Patron Zaïmi.

 

- Merde… J’cause plus… J’dis plus rien. Dites! Vous en avez encore pour longtemps ?…Je crois que je vais disjoncter… C’est le gosse qui a découvert tout cela ?

 

- Oui, intégralement... J’ai seulement du suivre la trace.

 

- Mais pour Tarin, il ne pouvait pas savoir!

 

- Il avait de l’intuition, ce gosse... Je suis certain qu’il est allé chez lui pour vérifier ce qu’il sentait... C’était sa méthode: intuition, puis logique. Après, beaucoup de courage.

 

- Pas la peine de me le souffler... j’avais compris.

 

- Laissez encore du suspens… J’aurais encore une suite.

 

- Merde!... Putain!... la UNE pour plusieurs jours!

 

 

 

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- Il me disait toujours que c’est la préparation qui compte. Après tout se déroule tout seul, dit Heidi.

 

- Mais ce n’est pas le même homme, suffoqua Tong… Tu débloques!... On n’est pas à la même époque!... Il y a presque trente ans d’écart…

 

- Mais le temps n’existe pas, tu le sais très bien!... Pourquoi cherches-tu à te raccrocher aux sécurités du passé, du présent et du futur ? demanda la jeune femme en refermant le Livre de « l’Enfant ».

 

- Je ne comprends plus rien, dit le moine en oscillant son crâne rasé.

 

- Cela ne changera pas beaucoup, dit-elle en souriant… Mais ce qui me préoccupe plus est ta ténacité à ne pas lâcher prise à tes « logiques »… ajouta-t-elle songeuse en regardant le corps courbé du long moine.

 

- J’essaye de comprendre toute cette relation entre ces deux hommes, ces deux espaces, ces deux temps.

 

- Tu perds ton temps inutilement…

 

- Mais pourquoi donc ? s’insurge Tong soumis au regard ironique de la jeune femme.

 

- Parce que tu poses dès le départ la « certitude » qu’il y deux hommes, deux temps, deux espaces… Voilà la faille de ton cerveau malade.

 

- Mais…

 

- Ne sens-tu pas dans toutes les fibres de ton corps que ces « deux » hommes sont « le » même ?… Alors il n’y a pas le Temps qui sépare, lâcha-t-elle du bout des lèvres.

 

Elle ne regardait plus le moine. Elle fixait la couche vide qui donnait sa lumière. Son cœur fut caressé par elle et elle sentit le plaisir de la femme aimée.

 

Tong remarqua l’accélération de la poitrine, la montée des seins sous la robe et les lèvres entrouvertes laissant passer un souffle lent de contentement.

 

Mais il ne vit pas la lumière et il continua à se demander ce qui se passait dans le corps de la jeune femme.

 

Lorsqu’il se redressa pour quitter la pièce, il reçut dans son dos ses derniers mots:

 

- Tu ne me fais toujours pas confiance.

 

Il ne se retourna pas. Il ne voulait pas qu’elle voit ses yeux embués car il sentait dans sa chair qu’elle avait raison mais qu’une Force en lui faisait un barrage à cette acceptation.

 

Elle resta seule et cette solitude-là, dans cette pièce, à côté de la couche de celui qu’elle aime, c’est du vrai bonheur.

 

« C’est le Temps que cet « Ange » annule pour Stéphane… Il lui remet entre les mains « son » temps qu’il a perdu… et l’enfant peut ainsi rejouer sa vie… et rompre le Temps de la mort! ».

 

La lumière qui s’intensifiait sur la couche vide et entrait en abondance dans sa poitrine lui disait la justesse de ses mots qui venaient du plus profond de la compréhension de son cœur de Femme qui aime celui qui Agit ».

 

 

 

 

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