12. Le choc

  

HIRO marchait entre les pierres qui avaient roulé avec les glaces du ruisseau derrière les palissades Ouest. C'était déjà la nuit. Une nuit avec une lune ronde comme une face de mongol hilare. Chantait celui qui était un peu bête et qui aidait à la cuisine. Mais cette fois il n'a pas fait rire le Maître cuisiner qui s'en revenait du Temple avec le bol de soupe vide. Il a posé le récipient près des éviers en pierre et il est resté un moment ainsi, immobile, au point que les aides se sont tus. Ils n'avaient pas l'habitude de le voir interrogatif, comme indécis.

C'est vrai que la crainte habitait son ventre. Il n'avait pas peur. Seulement de la crainte.

Alors il se retourna et alla directement à la porte de derrière qui donnait sur les réserves. Il la poussa dans un mouvement de l'épaule qui disait sa colère montante. Les moines ont attendu que la porte se ferme par le poids du vent pour se regarder. Mais ils ne dirent rien. Une force était sur le monastère depuis hier. Depuis que le Maître fut aperçu dans les montagnes avec celle qui tirait le traîneau.

 

Le vieux moine traversa la cour des réserves et poussa la porte du fond qui allait dans les jardins. Le vent vif le prit au torse et il frissonna. Il ne ferma pas sa capote. Il se contenta de respirer dans les chairs qui disaient leur froid et il gagna la palissade Ouest tout au bout du potager. La terre était gelée. Elle transmettait le bruit des pas. Il ne cherchait pas à amortir le bruit. Au contraire. Il lui fallait montrer du bruit à l'Univers car ce qu'il avait vu dans les yeux de celui qui était allongé l'a retourné jusqu'au plus profond de lui-même. Il avait connu ces yeux-là il y avait bien longtemps, très longtemps. Bien avant qu'il ne rencontre celui qui allait devenir le ROSHI.

C'était alors des yeux dans des crânes qui saillaient leurs veines car il n'y avait plus de chair sur ces os-là. C'était des yeux mobiles qui vous suivaient avec l'intérêt de celui qui sait que rien de bon ne peut venir de l'autre et que celui-là va encore lui faire du mal, comme les autres ont déjà fait. C'était des yeux de ceux qui n'espèrent plus rien. Même plus la mort car la mort n'a pas encore voulu d'eux et ils ne savent plus rien hormis l'abandon de la vie. Comme si cette dernière les avait oubliés. Pourtant ils se souvenaient que cela avait existé et c'était cela leur souffrance car ils ne comprenaient pas pourquoi ils étaient là. Ils ne savaient plus. C'était comme une déchirure qui avait coupé la vie en deux. Il y avait le avant et le après. Mais le après, ils ne savaient pas comment il était arrivé et ils ne le demandaient plus car la mémoire avait ses limites et ces limites on les leur avait fait franchir. Pour faire des expériences. Pour des expériences des possibilités du recul de la vie sous la force de la mort.

Il avait cru qu'il avait oublié. Il avait pensé que ces quarante ans avec le ROSHI lui avaient lavé sa mémoire et il se trouvait une nouvelle fois confronté à elle avec une acuité qui la faisait présente dans le moment.

Il s'est trouvé cinquante ans en arrière. Lorsqu'il est descendu de sa monture et qu'il s'est avancé vers les barricades. Ils étaient là et ils ne disaient rien. Ils le regardaient approcher, les rênes de son cheval dans la main gauche, la droite à proximité de son arme dans la ceinture.

Ils n'ont pas bougé lorsqu'il s'est trouvé de l'autre côté des grilles. Pourtant, il les touchait de ses mains ses foutues barricades! Il les tenait si fort qu'il s'est mis à hurler en les secouant comme un forcené. Il a hurlé qu'on vienne les foutre en l'air ces cages pour hommes! Il a hurlé en secouant les ferrailles et ses mains mirent du rouge sur la rouille.

Ses compagnons sont venus en criant et hurlants. Ils se donnaient du courage. Ils avaient sauté de leurs chevaux teigneux et ils n'ont même pas regardé où ils allaient en se sentant libre de leur Maître.

Ses compagnons sont venus vers lui et ont secoué les grillages. Ils ont hurlé de terreur, les yeux fixés sur ceux qui étaient de l'autre côté et qui ne disaient rien. Ceux-là regardaient. Ils regardaient comme il le faisait depuis que la mémoire de "avant" avait quitté leur front et qu'ils ne se souvenaient plus pourquoi ils étaient là. Ils savaient seulement que la respiration se fait l'une après l'autre car il n'y a pas de moyen de faire autrement.

Alors HIRO a hurlé des ordres dont il ne se souvient plus. Il a hurlé et ses compagnons ont foncé sur les portes.

Maintenant les portes étaient ouvertes. Il n'y avait plus rien. Hormis ceux qui restaient leurs mains accrochées aux grilles rouillées car c'est ainsi qu’ils étaient depuis des lunes et qu'ils ne savaient plus rien d'autre.

HIRO se mit à courir dans la sente creuse pleine de cailloux qui allaient meurtrir ses pieds. Il avait enlevé ses socques près du ruisseau. Il lui fallait les pieds nus pour retrouver la Terre que le regard de Celui qui était allongé lui avait soustraite en un instant.

 

Car celui-là qui ouvrait les yeux, il a regardé autour de lui. Il a senti l'odeur des hommes, la présence de la vie. Puis il a posé le regard sur les deux vieillards au-dessus de lui. Il les a scruté. Il a plongé au plus profond de leurs orbites et c'est là que HIRO reçu la vision de cauchemar de son passé. Celui-là le regardait avec la même tranquillité que les autres. Il y avait cinquante ans!

Car celui-là qui les regardait comme si le Maître c'était lui, comme si on ne pouvait pas le faire revenir sur ses décisions et ces choix. Il les fixait avec l'arrogance de Celui qui sait qu'on ne le fera pas courber. Et qu'il le dit dans la flamme tapie au fond des cavités osseuses de son crâne. Et qu'il le dit avec un plissement des sourcils qui rendrait fou furieux un tortionnaire qui n'aurait que volonté de lacérer les chair pour faire cesser ce sourire-là.

Mais tout au fond de cette lueur d'arrogance de celui qui se sait le plus fort, il y avait la petite flamme noire qui était vieille de cinquante ans. Il y avait cette flamme qui regarde sans frémir mais qui dit "Encore!".

 

Alors HIRO a détourné ses yeux de ce regard-là qui ne cillait pas. Il a été incapable de lever le visage vers son vieux compagnon. Le ROSHI ne l'a pas retenu. Il a suivi les sons des pas lourds du Maître cuisinier qui allait vers la porte du temple. Il l'entendit au passage ramasser le bol de soupe sur la petite table basse. Le Maître le laissait à sa solitude. Lui, il avait vu le "Encore!" de son fils. Mais lui, il est le Maître et il savait déjà. Il n'a pas protégé ce corps-là de son propre corps pour rien!

Alors, lui, le Maître, le ROSHI de la très redoutée Famille SHIN, il savait que celui qui venait maintenant derrière lui en savait encore plus que lui sur la souffrance des hommes. Mais il connaîtra encore plus intimement le mouvement de guérison à mettre en oeuvre dans ces temps dégénérés.

 

- Mais moi, je dois t'apprendre à aimer de nouveau la vie, mon fils, marmonna-t'il.

 

Le jeune homme avait suivi le départ de HIRO. Le vieux Maître l'observait derrière ses yeux mi-clos dans la pénombre du temple.

Il a vu que celui qui était si jeune, n'avait pas perdu un seul mouvement du cuisinier. Il l'a vu fermer les yeux lorsque la pénombre a pris possession de la silhouette de HIRO et il l'a suivi avec les sons.

Ainsi celui-là savait la force de l'attention sous toutes ses formes! Il n'en pouvait pas être autrement. Les Dieux ne peuvent pas se tromper. Celui-là était un Grand. Mais il fallait le ramener à la volonté de la vie. Car ses yeux ne disaient rien de cette envie. Il y avait au fond des orbites cette flamme noire qui avait fait fuir HIRO. Son vieux compagnon ne lui a jamais parlé de cette période de sa vie. Mais il est le Maître et le Maître sait ce qu'on lui cache.

Il a vu la flamme de la mort et de son abandon.

Il avait donc bien su. Il y avait bien un homme que les hommes ont décidé de tuer. Pas seulement un homme qui veut mourir.

Et cette constatation lui fit monter une chaleur dans le coeur qui rayonna dans les yeux. De la buée dut se placer là. Mais il ne la fit pas partir par un revers de paume car celui allongé le fixait maintenant. Il ne fallait pas qu'il voit son émotion.

Alors il parla dans sa langue à lui car il ne savait pas quelle était la langue de son fils.

 

- Tu reviens de loin, Petit.... Mais maintenant, ne crains rien, nous allons prendre soin de toi.

 

Il disait des mots sans suite. Il a parlé de HIRO, le cuisinier et médecin guérisseur du monastère qui était parti parce qu'il a eu de la grande peine à voir que son premier nouveau regard sur le monde est celui de la violence. Il a dit sur le monastère et les montagnes. Qu'il ne craignait rien ici.

 

Puis les mots sont partis de sa gorge et n'ont plus porté dans l'air. Les sons se sont tus. Ils restaient ceux du silence et du vent contre les portes. Il y avait les mots des statues autour. De celles au-dessus d'eux, en bois doré.

Mais il y avait le silence de celui qui restait sur le dos, les bras le long des flancs. Il y avait les yeux de celui-là et ces yeux-là ne suivaient pas les mots mais leur son dès qu'il naissait dans le ventre de celui qui parlait.

Lorsque le vieillard s'aperçut de ce regard-là, il a continué les mots et les sons. Mais son ventre sentit de la chaleur. C'était celui des yeux du jeune homme qui pénétrait. Ils allaient chercher les sons et leur origine.

Il comprenait ce qu'il lui disait!

 

Alors le vieux ROSHI continua les mots et les sons sachant que le jeune homme les captait à l'origine et il se concentra sur la chaleur souple qui commençait à rayonner dans son ventre. Le jeune homme était en train de l'ausculter. Le vieillard en aurait pleuré de joie! Mais à celui-là il ne fallait pas montrer son émerveillement sur ses capacités hors du commun. À celui-là il fallait cacher qu'on le respectait dès le premier regard car celui-là avait déjà reçu un enseignement divin.

Et le ROSHI en eut confirmation en suivant la chaleur qui glissait sur ses os. Il allait jusque-là avec son regard! Il dut fermer les yeux. La perception devenait trop forte. Son fils était en train de faire entrer en lui la force de l’Illumination pour le tester. Il voulait savoir s'il y avait Reconnaissance!

 

Alors le vieillard redressa les épaules et croisa ses cuisses sur son coussin rond. Son fils le prit entre les deux yeux et fit descendre la Force rayonnante par le devant de son ventre. Le ROSHI n'eut pas besoin de pousser vers le bas. Son fils s'en occupa.

Alors, ce fut l'oubli de l'espace et du lieu. Le torrent de lave en fusion se déversa sur lui et une nouvelle fois il reçu le sac de bonté et de vision. Il ne chercha plus rien car rien d'autre n'était possible maintenant.

Il en oublia celui qui venait de provoquer intentionnellement cet état. Pour le tester. Pour savoir s'il reconnaissait.

Car celui-là avait reconnu la racine de ses mots et il était allé immédiatement plus loin. A la Source.

 

Le vieillard envahit par la vison de la bonté fondamentale échappa au temps et au lieu.

Il ne vit pas le jeune homme se redresser et s'asseoir contre la cuisse de la statue de la compassion. Il ne vit pas la main large glisser sur le bois doré, ni les yeux monter vers les sourcils broussailleux de la divinité

Il ne vit pas le sourire naître sur les lèvres minces. Il aurait pourtant été content. C'était un sourire étrangement similaire au sien. Un étirement des lèvres sur les joues pour gagnait les oreilles et qui ne découvrait pas les dents.

 

Le jeune homme commençait à respirer doucement. Il fixait d'un oeil le vieillard immobile, assis en lotus sur son coussin et les mains jointes sur le haut de ses cuisses.

Puis il tendit la main vers le ROSHI et à plat, il fit descendre la paume des yeux vers le ventre, à quelques doigts du corps. Il inspecta l'énergie. Il capta son origine.

Puis il sourit plus largement et cette fois ses yeux y participèrent. Il y avait de la tendresse dans ses yeux-là. Ils regardaient le vieux corps en méditation comme un grand-père veillerait son petit-fils.

 

Le vieil homme revint doucement à la conscience de l'espace autour de lui. C'était à chaque fois aussi beau. Rien parmi les hommes ne pouvait rivaliser avec cette perception. Elle était là lorsque le reste cessait. Elle n'a pas de passé et c'est le dernier et ultime refuge de l'homme. Celui qu'il cherche tant et qu'il a pourtant à portée de ses doigts car rien n'est caché. C'est lui qui ne veut pas voir.

Il ne peut pas. Mais comment celui-là qui est son fils maintenant sait cette beauté-là ? Il fait plus que de savoir. Il la manie en Maître!

 

Le vieux se pose ses questions. Plutôt ces questions viennent toutes seules, tranquillement, dans le retour parmi l'espace du regard des hommes car cet espace-là, il ne l'a pas quitté. Il l'a seulement vu autrement.

 

Alors, ainsi, ce jeunot-là sait cette Puissance! Il sait la manier et la faire entrer dans un dur à cuire tel que lui, le vieux ROSHI! Mazette! ça va pas être du gâteau que de prendre en charge l'éducation terrestre de ce jeunot-là. Pire que la gale il sera, avec une telle connaissance du Ciel et de ses Forces qui lui obéissent. D'ailleurs, c'est déjà du certain, à le voir regarder la vieille couenne que je suis comme un chat observe la souris. Pardi qu'il est en train de me prendre pour une souris un peu plus futée que les autres, celui-là qui me reluque en souriant. Tiens, tu vas voir, mon fils! Pas la peine de t'appuyer nonchalamment à la cuisse de la statue, ce n’est pas à un vieux singe dans mon genre que tu vas apprendre à faire les grimaces! Tiens, t'es fort, et je le reconnais. Personne encore ne m'a envoyé l’Illumination entre les gencives pour me tester. Chapeau, fils! Mais n'oublie pas que je suis le Père de ce lieu et maintenant le tien de surcroît. Alors, si tu crois m'épater et me faire oublier mes devoirs d'enseignant, je crois bien que t'es en train de te gourer, mon fils.

 

- Serais-tu un peu moins con que les autres ? dit soudain le jeune homme.

 

Il avait à peine ouvert la bouche. Juste un mince filet d'air entre les lèvres. Pourtant les mots avaient touché.

La voix avait une tonalité grave, un peu lente. On la sentait sortir avec réticence de la gorge car dans cette gorge elle n'était pas née. Elle est venue du ventre et même au-delà. Le vieux s'en est rendu compte dès que le souffle monta dans la gorge et bien avant que le son ne se transmette dans l'espace après les lèvres.

Aussi le son ne le surprit pas. La voix non plus. Elle est cette rugosité qu'il attendait. Elle porte bien. Nette.

Ce sont les mots qui l'ont surpris. Des mots qu'il a compris, le vieil homme. Il ne pensait pas se souvenir de cette langue qu'il avait entendu il y a bien longtemps. Ainsi cet homme venait de là! De si loin.

Mais par tous les Kamis de la montagne, quel vocabulaire! Il va falloir le rappeler à l'ordre ce jeune coq!

 

- Je suis le ROSHI de ce monastère, dit calmement le vieillard en se redressant. Il fixait le jeune homme droit dans les yeux en y ajoutant la force venue de son ventre qu'il poussait en expirant sur les mots.

 

Devant cette force, on s'était toujours incliné. Mais pas ce jeune coq qui continuait à sourire avec de la malice sur les lèvres. Pardi, il pourrait avoir des lèvres un peu plus épaisses, ce jeunot. Déjà qu'il n'est pas beau et qu'il sent mauvais, s'il faut encore supporter l'ironie sur des lèvres minces et méprisantes, ce sera pire que l'enfer!

 

- Donc quelque chose comme le chef connard d'une ribambelle de cons incrédules, susurra le jeune homme.

 

Le sourire s'élargissait sur ses lèvres et ces dernières s'entrouvrirent sur les dents pointues.

Mazette! En plus il a une dentition de requin. Dites, par tous les Dieux de l'Univers, Vous êtes bien certain que vous ne vous êtes pas trompés ?

 

- Non, mon fils.... Sur une poignée d'humains qui cherchent la vérité de leur être, répondit le ROSHI en souriant lui aussi.

 

Avec un tel démon, pas possible d'opposer la force à sa force. Il serait capable de s'en nourrir. Alors, autant faire bonne figure. Faut pas oublier qu'il est maintenant mon fils. Mais par les Kamis, quel caractère de chien qui se précise là!

 

- Ton fils ?....

 

Il fronçait les sourcils et se redressa contre la cuisse de la statue. Ses yeux lançaient déjà des éclairs pour le combat.

Le vieillard sut alors que cet homme-là était aussi un combattant redoutable. À voir son pied droit que revenait sur lui pour prendre appui, la jambe gauche déjà prête à balayer l'air devant lui.

 

- Oui, mon fils. C’est ainsi que le veut la Tradition car je t'ai sauvé de la mort des hommes et maintenant tu me dois obéissance.

- Je ne te dois rien, vieux ridé pas beau! éructa le jeune homme.... Tu m'as sauvé. De quoi ? Je ne t'ai rien demandé, vieux sénile qui pue et ce n’est pas la meilleure des choses que tu aies faites! Alors, pour la reconnaissance, va te faire foutre!... Dis, tu crois peut-être qu'un homme comme moi va accepter un déplumé et tout ridé et puant vieillard comme toi comme Père. Dis!

 

Le vieil homme écoutait comme une mère le fait de son enfant en colère.

 

- Si, jeune homme... Tu es maintenant mon fils et je dois t'éduquer selon la Tradition.

 

Il penchait doucement la tête sur son épaule droite. Il avait replié sa jambe gauche sous lui, prés à bondir en cas d'attaque. Car celui-là était susceptible de le frapper et il le sut.

 

Le jeune homme respirait doucement et le vieillard était émerveillé de la fluidité de cette respiration. Elle dénotait un contrôle sur soi énorme. Ce souffle montait du ventre et allait alimenter tous les centres d'énergie avant de passer les lèvres et de se mélanger à l'espace. Le vieux était content mais il ne pouvait pas le dire. Son fils était un grand parmi les Grands. Les plus âgés des combattants qu'il entraînait dans ce monastère n'étaient pas encore capables d'avoir cette respiration-là. Pas aussi fluide.

Alors, le vieil homme se décontracta. Cet homme-là ne perdra jamais le contrôle de lui même. C'est un froid. Un homme d'acier et bien fou celui qui s'y fit. Celui-là est un cerveau. Les Dieux ne pouvaient pas se tromper.

 

- Tu peux me tuer si tu veux, dit-il.... Tu peux. Tu en as les pouvoirs et les connaissances.... Mais après, sauras-tu mieux te conduire parmi les hommes ?

- Je ne veux pas des hommes, rugit le jeune homme en se redressant.

 

Il avait levé les fesses du parquet et ses talons sont venus sous lui. Le vieillard suivit le mouvement. Tous les deux avaient le corps légèrement penché en avant.

 

- Tu ne peux pas faire autrement, souffla le vieillard dans l'espace devant lui.

- Je sais bien, vieux râpé pas beau, éructa le jeune homme.

- Alors, que veux-tu faire maintenant ?... Je te propose un marché. Reste le temps de cinq lunes pleines ici. De toute manière, il te faut te cacher. Je t'apprendrai ce que je sais et toi après tu feras comme bon te semble.

 

Le jeune homme fit une grimace qui faillit faire rire le vieillard mais cela lui était interdit par les circonstances.

Ils avaient dit des mots. L'air avait reçu des mots. Mais ce n'est pas ce qu'il se sont dit. Le jeune homme a testé en permanence le vieillard par les vibrations des mots. Il voulait savoir jusqu'où allait la reconnaissance du vieux en face de lui.

Alors, le vieux avait ouvert son corps pour que les sons puissent résonner et que le jeune homme les entende. Mais il a canalisé les vibrations. Les sons étaient alors déformés et fournissaient une donnée légèrement fausse. Mais cette fausseté était mortelle pour la connaissance.

Le jeune homme s'en rendit compte. Alors il se fâcha. Mais le vieux savait que cela n'avait que pour but de le déstabiliser. Pour vérifier.

Il rendit un son de tambour sans résistance et le jeune homme sut que le match allait être nul.

Ce vieux-là en savait autant que lui!

 

- Alors, ainsi tu es un ROSHI. J'ai parfois entendu parlé de ces êtres de l'endroit d'où je viens. On dit que ce sont des exploiteurs de l'envie de découverte des hommes.

Le ROSHI sourit.

- Restes cinq lunes et tu te feras une opinion toi-même.

- Hum.... Cinq lunes pleines, c'est un bail. Je ne suis pas certain de me plaire parmi vous. Tu comprends, petit vieux, ce n’est pas que t'es vraiment beau. Tu n’aurais pas une petite mignonne pour mes soirées.

- J'ai ça, dit le ROSHI.

 

Les deux corps parlaient doucement dans la pénombre presque noire. Beaucoup de lampes à huile étaient mortes. Les moines n'avaient pas eu le droit de venir aujourd'hui.

Les deux corps se rapprochaient. Leurs fronts se touchaient presque maintenant.

 

- Dis, mon fils.... Comment t'appelles tu ?

 

Le vieil homme a fait le dernier mouvement. C'était à lui de le faire. L'autre n'aurait jamais pu. Trop fier.

 

- Ange, souffla le jeune homme en acceptant le front du vieux.

Il bougea légèrement. Les deux peaux glissèrent l’une contre l’autre.

 

 

 

 

 

 

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